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Une moisson 2018 modeste

Le ministère de l’agriculture évalue la récolte de blé tendre 2018 à 36,1 Mt, l’AGPB autour de 35 Mt, Agritel à 34,2 Mt et ODA à 33,6 Mt seulement.

« La production de blé tendre atteindrait 36,1 millions de tonnes (Mt). Elle baisserait de 1,3 % par rapport à la récolte de 2017 mais resterait au-dessus de la moyenne 2013-2017 (+ 1,2 %). Le rendement s’établirait à 73,0 q/ha, lui aussi en léger retrait par rapport à 2017 où il s’établissait à 73,7 q/ha », estime le ministère dans ses prévisions au 1er juillet 2018 diffusées le 10 du mois. Les services statistiques (Agreste) soulignent néanmoins des évolutions de rendements « contrastées suivant les régions : en baisse nette en Normandie (- 8,5 %) et en Nouvelle-Aquitaine (- 4,3 %) et en hausse dans le Grand-Est (+ 10,4 %) après une année 2017 difficile. »

Les chiffres du cabinet Agritel, quant à eux, s’appuient sur un sondage réalisé plus récemment (du 18 au 20 juillet) auprès d’opérateurs de la filière pour conclure à « une récolte décevante en quantité avec toutefois l’avantage d’une qualité en majorité excellente qui favorisera la mise en marché ». Plus précisément, Agritel estime la récolte de blé tendre française à 34,17 Mt, en retrait de 6,5 % par rapport à 2017. « Celle-ci, d’une exceptionnelle précocité, déçoit dans l’ensemble puisque c’est la troisième plus faible de la dernière décennie en quantité », commente Michel Portier, directeur général d’Agritel.

Les terres superficielles s’en sortent le mieux

Selon Agritel, le rendement moyen national s’élèverait à 69,17 q/ha – c’est presque 4 q/ha de moins que l’estimation du ministère et 6 q/ha de moins que ce qu’attendait le commerce européen (Coceral) en juin. La surface emblavée, au plus bas depuis six ans, atteint 4,94 millions d’hectares et amplifie l’impact de la chute de rendement. Elle est la conséquence d’un excès de précipitations tout au long de l’hiver mais également au printemps. « Ce sont les terres dites superficielles qui s’en sortent le mieux cette année avec leur facilité à drainer les excédents d’eau tandis que les terres les plus profondes habituées aux meilleurs rendements sont pénalisées », précise Michel Portier. « Le décrochage est très fort sur toute la façade Atlantique. La Bretagne et les Pays de la Loire accusent une nette baisse de rendement (voir la carte ci-dessus). Mais celle-ci est encore plus sévère en Aquitaine et Midi-Pyrénées où la situation est très compliquée avec près de 20 % de chute de rendement », ajoute Michel Portier.

12 % de protéines

« Les conditions particulièrement chaudes et sèches de la fin de cycle ont permis d’atteindre sur une large partie du territoire de très hauts niveaux qualitatifs », poursuit Agritel. « Les poids spécifiques sont très élevés tandis que le cap des 12 % de protéines sera probablement de nouveau dépassé cette année », détaille Michel Portier. « Seuls le Sud-Ouest et le Sud-Est de la France dénotent puisque les orages à répétition connus ces derniers mois ont vraiment dégradé la qualité, même si cela reste marginal à l’échelle nationale. »

En conclusion, Michel Portier estime que « la qualité de la récolte 2018 permettra sans aucun doute à la France d’avoir une offre attractive pour les acheteurs internationaux et européens, et ce d’autant plus que les volumes à commercialiser sont réduits chez nos compétiteurs. »

« Le marché du blé se prépare à une situation critique » (ODA)

De son côté, le cabinet Offre et demande agricole (ODA) anticipe, dans un communiqué du 26 juillet, un « lourd déficit de la production mondiale » de blé cette année. Dans l’UE, « les conditions climatiques extrêmes constatées dans le nord de l’Europe nous ont amenés à réduire notre estimation de production européenne de blé tendre à seulement 124,9 Mt, soit une baisse de 14,5 Mt par rapport à l’an dernier ! En France, l’enquête sur les rendements de blé tendre réalisée comme chaque année auprès du réseau des agriculteurs ODA nous permet aujourd’hui d’annoncer une récolte de 33,6 Mt. Nous constatons une forte hétérogénéité des rendements et des qualités. Il est probable que nous révisions ce chiffre dans les prochaines semaines. »

« Cette baisse record de la production européenne vient se cumuler avec une récolte décevante dans le bassin de la mer Noire. À l’échelle mondiale, nous nous attendons à une réduction de la production de 30,2 Mt, soit une récolte de 720 Mt. Or la consommation mondiale a été estimée à 750 Mt l’an dernier et elle croît chaque année de 3 à 5 Mt. Cette situation de marché, semblable aux années 2010 et 2012, va donc ramener les stocks de céréales dans les pays exportateurs à leurs niveaux les plus bas. La consommation de blé va ainsi devoir se réduire au profit des autres céréales. Même avec d’excellents rendements, les récoltes de l’hémisphère Sud seront dans l’incapacité de compenser entièrement le manque de production mondiale. Sans compter la menace du retour du phénomène El-Niño dans les prochains mois qui n’engage pas à l’optimisme. »

Les 200 €/t dépassés 

« Les marchés céréaliers commencent à réagir, constate ODA : en franchissant la barre des 200 €/t sur Euronext , le blé vient de mettre fin à un cycle de 4 ans de prix insuffisants et le mouvement de hausse n’est pas encore terminé. Pour faire face à la demande, les marchés vont devoir établir un nouveau niveau de prix permettant aux agriculteurs de produire les volumes nécessaires, de façon durable », conclut le communiqué.

BC

A lire également : Le bilan des moissons 2018 au 9 août (FranceAgriMer/Arvalis/Terres Inovia)

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