Michel Lepertel, conseiller indépendant en nutrition animale, dirige la société NPRL (Nutrition Production Reproduction Longévité), basée dans la Manche. Dans l’interview qu’il nous a accordée début août, il invite les éleveurs à ne pas « paniquer » face à la sécheresse.
La pluie a manqué en juillet et la récolte de maïs ensilage est annoncée en repli de 7 % par le ministère de l’agriculture. Faut-il s’en alarmer ?
La France vient de connaître un mois et demi de sec et la récolte d’ensilage va diminuer. Comme, en France, peu d’agriculteurs gèrent des stocks, c’est un peu l’affolement. Tous les marchands du monde vont arriver avec des produits exceptionnels et indispensables. Les éleveurs doivent résister à ces commerciaux qui vont aggraver la situation. Avant d’acheter des sous-produits ou des coproduits à prix d’or – les trésoreries ne le permettent pas –, chacun doit évaluer ses stocks et faire son bilan fourrager. La pousse de l’herbe a été plutôt excédentaire au printemps et certains éleveurs ont pu constituer des réserves. Pour les autres, il est encore temps d’implanter des méteils, des dérobées ou des couverts végétaux que l’on récoltera au printemps prochain. L’Est de la France, le plus éprouvé actuellement, dispose des importantes surfaces nécessaires. Je rappellerai aussi qu’en 1976, l’année de la grande sécheresse, une repousse d’herbe exceptionnelle était intervenue en septembre. Que sera-t-elle à l’automne 2018 ? On panique un peu tôt. Il convient de garder un peu de sérénité. C’est aussi l’occasion de rappeler qu’il ne faut pas tout miser sur le maïs.
Quelle stratégie proposez-vous aux éleveurs ?
La méthode de travail de NPRL est de calculer des rations objectives, de déterminer les besoins (bilans fourragers) et de diversifier les fourrages en minimisant la part de maïs, qui est semé au printemps lorsque commencent les risques de sécheresse. Est-il raisonnable d’implanter 75 % des fourrages au printemps pour risquer un début de sécheresse au 15 juin ? Il est plus judicieux d’implanter 75 % des fourrages à l’automne et 25 % au printemps.
Si un éleveur se sent néanmoins dans une impasse, et qu’il doit s’approvisionner en aliment à l’extérieur, que lui conseiller ?
Un fourrage de remplacement, c’est en moyenne 70 à 75 % d’eau. C’est terriblement cher à la tonne de matière sèche transportée, a fortiori sur une longue distance. Mais s’il fallait choisir un produit, ce serait la pulpe de betterave déshydratée. En fait, je suis davantage préoccupé par l’envolée du prix des céréales qui va faire flamber celui des concentrés.
Propos recueillis par Benoît Contour
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