Bruno Parmentier, consultant en agriculture et alimentation, ancien directeur de l’école supérieure d’agriculture d’Angers, donne sa vision de l’agriculture du XXIe siècle.
Je remettrai en place des mesures de régulation et de soutien à la production, particulièrement pour l’élevage. Il s’agit là de produits périssables, dont la production est parfaitement prévisible, et dont la consommation en Europe ne cesse de diminuer au XXIe siècle alors qu’elle n’avait cessé d’augmenter au XXe. Arrêtons d’imaginer que les Russes et les Chinois vont réguler la production de porcs et de lait en Europe ! On doit produire fondamentalement ce que les Européens sont prêts à consommer, et donc aider les filières à produire moins mais mieux, sous signe de qualité, des produits qui seront correctement rémunérés. Il faut faire pour l’élevage ce qu’on a fait pour la filière vin, en réussissant à maintenir des viticulteurs alors que la consommation française est passée de 140 à 40 litres annuels par personne, en ne produisant plus que du bon et du très bon vin vendus à un prix correct.
Je lancerai un programme très ambitieux de transition d’une agriculture « tout chimique-tout pétrole » à une agriculture « écologiquement intensive ». Pour répondre aux défis de la raréfaction des ressources de la planète et des évolutions des demandes sociétales, il faut absolument arriver à produire « plus et mieux avec moins » : moins de terre, d’eau, de pétrole, de chimie, de tracteur ! Cela suppose un gros effort de recherche, de formation, et de soutien aux agriculteurs en transition, pour produire sans labour, avec des mélanges de plantes complémentaires, en agroforesterie, et en s’appuyant au maximum sur des animaux auxiliaires et des plantes de services.
Je mettrai la lutte contre le réchauffement climatique au premier plan des actions. Cela suppose trois types de politiques agricoles. D’abord pousser au maximum à la résilience pour limiter les effets de plus en plus néfastes des changements climatiques sur l’agriculture : sécheresses, inondations, tempêtes, maladies, épidémies, etc., afin que l’on puisse continuer à produire tous les ans, et pas seulement les quelques années où le climat sera resté « à l’ancienne ». Ensuite aider les agriculteurs à diminuer au maximum leur production de gaz à effet de serre, gaz carbonique naturellement mais surtout méthane produit par l’élevage, et protoxyde d’azote principalement issu d’un mauvais usage des engrais azotés associés au labour. Et enfin valoriser le service unique que peuvent rendre les agriculteurs, celui de refroidir la planète en captant un maximum de carbone atmosphérique pour le fixer dans ou sur leurs sols, en particulier via les forêts, les haies, l’arrêt du labour et du déchaumage, et créer une économie dans laquelle la société rémunère correctement ce service indispensable à la survie de l’humanité (le « 4 pour mille »).
Donc financer la transition vers ce cercle à nouveau vertueux : produire sain, augmenter la fertilité des sols, refroidir la planète et assurer un revenu décent aux agriculteurs.