L’indemnisation des sécheresses sur prairies en 2019 et 2020 n’a satisfait personne. Un rapport formule plusieurs recommandations applicables dès cette année si nécessaire, dans l’attente d’une réforme plus profonde du dispositif.
« Le dispositif d’indemnisation des sécheresses sur prairies par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) est remis en cause par la profession agricole et par les assureurs », constate un nouveau rapport (1) du ministère de l’agriculture. « Du côté de l’administration aussi, notamment au sein des services instructeurs départementaux, de nombreuses critiques du dispositif actuel sont exprimées. Du côté de la profession agricole, dans un contexte de sécheresses successives de moins en moins exceptionnelles, une incompréhension s’exprime sur la manière dont sont reconnues les sécheresses sur prairies par le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) en raison du grand décalage qui apparait souvent entre les « analyses terrain » validées par les Comités départementaux d’expertise (CDE) et l’analyse faite au niveau national. Du côté des assureurs, la possibilité d’indemnisation par le FNGRA en même temps que celle proposée par les contrats d’assurance, sur des bases différentes de reconnaissance et d’indemnisation des sinistres, est perçue comme un élément de blocage de tout progrès de l’assurance prairie qui reste marginale en surface . Enfin, du côté des services instructeurs locaux, le dispositif est perçu comme très chronophage, compliqué, décalé des réalités, avec le sentiment partagé aussi par de nombreux professionnels de « tout ça pour ça ? ».
« Face à cette situation, en s’intéressant prioritairement aux moyens d’améliorer le dispositif à court terme (comment mieux gérer une éventuelle sécheresse sur prairie en 2021 ?), sans préjuger d’autres réformes plus profondes visant une réponse plus structurelle à des situations de moins en moins exceptionnelles », le rapport avance six recommandations :
Stockage de l’eau et amélioration variétale
Les mesures de prévention quant aux dommages des sécheresses sur prairies, qu’il s’agisse de mesures d’adaptation ou d’atténuation, doivent être promues par le ministère de l’agriculture. A ce titre, les dispositifs de stockage de l’eau les mieux adaptés et l’amélioration du choix variétal pour les prairies doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Un cadrage national avant le démarrage des missions d’enquête
La mission considère que, dès le début de la procédure de reconnaissance, un cadrage national devrait intervenir en proposant un « pré-zonage » établi sur les critères d’analyses disponibles au niveau national. Ce pré-zonage serait adressé au CDE via la DDT. Le rôle du CDE sera, dans ce cadre, de proposer des « ajustements » que les résultats des missions d’enquête sur le terrain pourraient justifier. Pour 2021, la mission recommande d’utiliser la méthode du faisceau d’indices au niveau national pour « pré-zoner ». Pour 2022, dans la perspective d’harmoniser l’approche assurancielle et celle du CNGRA, en vue de la création d’un nouveau dispositif de prise en charge des risques climatiques, la mission recommande d’utiliser l’IPP (indice de pousse sur prairies / « indice Airbus ») comme outils de « pré-zonage ». La mission juge utile que le « pré-zonage » proposé aux départements concernés soit accompagné d’une proposition de plan d’échantillonnage pour les visites des missions d’enquête.
Ne plus indemniser les pertes de fond
« Les pertes de fonds sur prairies rencontrent des difficultés de gestion en raison de la limite pas très claire entre perte de récoltes et perte de fonds. La mission propose donc de ne plus prendre en compte les pertes de fonds pour les sécheresses sur prairies considérant que, dans ce cas, il revient normalement à l’agriculteur de prendre en charge les re-semis et sur-semis, quitte à mieux indemniser les pertes de récoltes.
Des DRAAF plus actives pour l’harmonisation des barèmes
Les DDT doivent veiller à l’établissement de barèmes révisés régulièrement, ajustés et non uniformes au niveau départemental. Les DRAAF doivent réaliser l’harmonisation de ces barèmes au niveau régional et, au-delà, la question d’un barème national décliné localement est posée.
Abandon du DFO
Si la mission recommande l’abandon du déficit fourrager (DFO) comme base d’indemnisation des pertes liées à une sécheresse sur prairies, elle considère que ce ne peut pas être applicable dans le cas d’une sécheresse intervenant en 2021 compte tenu des délais d’« instrumentation » d’une nouvelle référence se substituant au DFO. En revanche, une nouvelle base d’indemnisation en lien avec l’évolution du dispositif de reconnaissance et l’utilisation de l’IPP doit être envisagée pour 2022.
Baisser le seuil d’éligibilité et relever le niveau d’indemnisation
Le niveau de déclenchement de l’indemnisation individuelle de 13 % devrait être abaissé et un critère de surface fourragère minimum par exploitation pourrait être introduit pour « récupérer » les cas exclus par le seuil de 13 % révisé. En parallèle, le taux d’indemnisation, qui est aujourd’hui de 28 %, peut être augmenté avec plusieurs justifications possibles (abandon des indemnisations des pertes de fond, pertes indirectes des élevages en cas de sécheresse…).
BC
(1) « Retour d’expérience sur l’application du régime des calamités agricoles aux sécheresses sur prairies de 2019 et 2020 » – Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) – avril 2021