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L’assurance agricole fait sa mue

Un projet de loi réformant les outils de gestion des risques climatiques en agriculture sera examiné à partir de la mi-janvier par le Parlement. Les syndicats l’accueillent diversement.

Les ministres de l’Économie et de l’Agriculture, Bruno Le Maire et Julien Denormandie, ont présenté, le 1er décembre en Conseil des ministres, un projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. « Face au coût croissant des dommages provoqués, ces dernières années, par des aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, le système actuel d’indemnisation des pertes de récolte s’avère à la fois inefficient et inéquitable », explique le Gouvernement dans un communiqué. Pour financer ce nouveau dispositif, l’effort financier de l’Etat sera porté de 300 à 600 millions d’euros par an.

En pratique, le projet de loi « crée un nouveau régime d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques. Celui-ci repose sur la solidarité nationale et le partage équitable du risque entre l’État, les agriculteurs et les entreprises d’assurance. Plus précisément, est créé un dispositif unique, partenarial et universel, prévoyant une absorption des risques de faible intensité à l’échelle individuelle de l’exploitation agricole, une mutualisation entre les territoires et les filières des risques d’intensité moyenne (par le biais de l’assurance multirisque climatique dont les primes font l’objet d’une subvention publique), et une garantie directe de l’État contre les risques dits catastrophiques. Le projet de loi institue ainsi un dispositif de couverture des risques climatiques à trois étages. »

En complément, « une nouvelle instance de dialogue entre les parties prenantes sur les sujets d’assurance récolte est créée, et le projet de loi habilite le Gouvernement à compléter le dispositif par ordonnance, notamment pour organiser l’étage assurantiel du futur régime ainsi que sa bonne articulation avec l’étage de solidarité nationale (…) Enfin, le projet de loi comporte une disposition permettant aux entreprises d’assurance de prévoir des conditions de couverture différentes pour la garantie tempête et la garantie incendie pour les contrats d’assurance aux biens professionnels, qui bénéficiera en particulier aux agriculteurs. »

BC

LES REACTIONS

« Une étape importante » (FNSEA-JA)

FNSEA et JA « saluent » l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres et « appellent les parlementaires à contribuer à une réforme capitale face au réchauffement climatique et à ses conséquences. S’appuyant sur le constat que les agriculteurs ne peuvent à eux seuls supporter l’évolution du climat et l’accroissement des risques, le projet de loi formalise l’expression de la solidarité nationale en instituant un mécanisme unique reposant sur une offre assurantielle rénovée et une indemnisation publique. »

« L’architecture de ce nouveau dispositif, qui répond à l’objectif fixé, s’articule autour de grands principes :

  • Une incitation renforcée à la souscription à une assurance multirisques climatiques. La réaffirmation du règlement européen « Omnibus » permettant un niveau maximum de subvention de 70% de la prime et une franchise subventionnable de 20% minimum est un signal positif.
  • Une garantie minimale ouverte à tous les agriculteurs et soutenue par l’Etat. Répondant principalement aux conséquences des risques non assurables, ce soutien aura aussi pour vocation à inciter progressivement les agriculteurs à s’assurer.
  • Un guichet unique et une gouvernance équilibrée. L’objectif de simplifier les démarches des agriculteurs victimes de dégâts et d’accélérer le paiement des indemnisations est l’une des clefs de réussite de la réforme. La création d’un pool de « coréassurance » réunissant les assureurs, les réassureurs, les pouvoirs publics et la profession agricole permettra une transparence dans l’élaboration des offres assurantielles et la fixation des primes. »

« Avec une application au 1er janvier 2023, le calendrier d’adoption et de mise en œuvre s’annonce très serré. Au-delà de l’examen du projet de loi cadre, FNSEA et JA seront particulièrement vigilants sur les mesures précises fixées par l’ordonnance et les textes réglementaires à venir. »

« Pour la FNSEA et JA, seule une application complète du règlement « Omnibus », sur le niveau d’appui à la cotisation et sur le seuil de déclenchement de l’assurance, à toutes les productions et aux contrats d’assurance à la nature de culture créera une dynamique positive en affichant une réelle amélioration par rapport à l’offre assurantielle actuelle. »

« Une réforme favorable aux assureurs » (CR)

« Augmentation des primes, prise en charge améliorée pour la souscription qui devient quasiment obligatoire… Jackpot pour les assureurs et pertes pour les agriculteurs qui voient leurs charges encore augmenter », retient la Coordination rurale (CR) dans un communiqué.

La CR « dénonce un projet qui incite à recourir à l’assurance récolte par une augmentation de la prise en charge des primes d’assurance et une meilleure indemnisation par l’État en cas de risques exceptionnels. Si l’intention semble juste, il n’en reste pas moins que ces assurances présentent un coût financier important, ce d’autant plus que les assureurs Pacifica et Groupama ont d’ores et déjà annoncé augmenter les primes de 10 à 25 % en 2022. « Quand on s’intéresse aux coûts des assurances, des franchises et des seuils de déclenchement, le dispositif reste trop coûteux pour pouvoir être utilement et massivement souscrit par les agriculteurs. Cela fait 10 ans que la Pac subventionne l’assurance et, bizarrement, les agriculteurs ne souscrivent pas quand même… Tout est dit, non ? », déclare Marc Saumont, responsable des questions assurantielles à la CR.

« Ce projet de loi n’est autre qu’une généralisation du recours à l’assurance récolte et, par ricochet, la possible fin du régime des calamités agricoles. La CR, forte de ses propositions, persiste à demander une mutualisation générale des calamités et le financement d’outils de prévention permettant de lutter efficacement contre les aléas climatiques. »

« Une réforme excluant la moitié des paysans » (Conf’)

S’il « est vrai que le dispositif actuel d’aides publiques des calamités agricoles n’était pas satisfaisant, tant par sa lenteur que par le montant des indemnisations (…) ce projet de loi n’aboutira en rien à une couverture universelle pour toutes les filières, comme le prétend le ministre », estime la Confédération paysanne dans un communiqué.

« Une couverture soi-disant « universelle », alors même que l’État prévoit que seulement 30% des surfaces en prairies et en arboriculture seront assurées après 2030 ! (…) Demain, en plus de conditions d’entrées restrictives, les assureurs pourront décréter qu’une production, sur un territoire donné, n’est pas assurable car trop exposée aux risques. Des détails qui n’apparaissent évidemment pas dans le projet de loi qui renvoie essentiellement à des décrets pour fixer les paramètres de cette réforme. »

« Face aux aléas climatiques, le principe de cette réforme est donc de renvoyer à la seule responsabilité des paysan.nes le fait de s’assurer ou non, comme si les tarifs et les contrats proposés dépendaient d’eux, et non des assureurs ! Ces derniers viennent d’ailleurs d’annoncer une hausse d’au moins 25% de leurs tarifs. »

« Avec cette réforme, le ministre se fixe l’objectif de 50% de paysan.nes assuré.es en 2030. Il s’agit donc avec ce nouveau dispositif d’inciter fortement les agriculteurs à s’assurer. Euphémisme pour ne pas dire les forcer : ainsi, le gouvernement envisagerait à terme de restreindre l’accès des aides à l’investissement du 2e pilier de la Pac aux seuls assurés. »

« Pourtant un autre projet est sur la table, porté par la Confédération paysanne : un Fonds professionnel mutuel et solidaire, associant tous les acteurs de la filière. Il serait financé par les taxes payées aujourd’hui par les paysan.nes, par l’État et par l’aval de la filière, encadré par les pouvoirs publics et non par les assureurs. Un système solidaire pour protéger toutes les fermes, avec une couverture de base de tous les risques climatiques, pour toutes les cultures, y compris lorsqu’elles sont diversifiées. En résumé, tous les attributs d’une vraie couverture universelle. C’est ce projet que nous allons porter auprès des parlementaires qui vont débattre de ce texte en début d’année prochaine. »

 

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