La lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole patine, estime un rapport qui formule plusieurs recommandations relatives aux effluents d’élevage et aux Cipan, entre autres.
« Malgré près de 25 années de programmes d’actions nitrates, les résultats en termes de teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines restent très loin des objectifs et semblent ne plus s’améliorer », constate un rapport des ministères de l’agriculture et de l’environnement. « Si l’on regarde les évolutions à long terme, il y a presque autant de stations ayant des concentrations en hausse qu’en baisse, avec de fortes disparités locales ». Sur les années 2016 à 2019 en métropole, « 66% des superficies ont une qualité des eaux affectée par les nitrates (> 18 mg/l (1) pour les eaux superficielles ; > 40 mg/l pour les eaux souterraines), dont 37% au-delà de 40 mg/l (2) ».
Le rapport constate par ailleurs « une perte de sens et un déficit d’appropriation des objectifs de la directive nitrates par les acteurs. Cette perte de sens a plusieurs explications : un mode d’information inadapté aux échelles territoriales où se jouent les liens entre pratiques agricoles, pressions et état des eaux ; un désabusement devant l’absence de perspectives de sortie à court/moyen terme de la zone vulnérable ; un cadre d’obligations de moyens toujours plus complexe et contraignant qui décourage les initiatives visant la recherche de résultats. »
Recommandations
Le rapport formule 8 recommandations visant à renforcer l’efficacité de la lutte contre les nitrates, dont 4 particulièrement opérationnelles au niveau des exploitations :
– « Améliorer le système de vérification des infrastructures de stockage des effluents d’élevage et de détection des incidents, aujourd’hui déficient, et pour cela : renforcer la coordination départementale ; développer la recherche des sources de pollution ponctuelle par remontée des réseaux hydrographiques à l’aide de sondes mobiles à nitrate et ammonium ; enregistrer les anomalies et incidents détectés dans une base de données nationale ; analyser ces données pour identifier les facteurs d’accidentologie et orienter les contrôles ;
– Rendre plus efficace le déploiement des cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) et, pour cela : renforcer leurs prescriptions, notamment réduire l’importance des intercultures pour lesquelles leur implantation n’est actuellement pas obligatoire ; évaluer leur mise en œuvre et leur impact par le suivi satellitaire régulier de la densité du couvert végétal sur l’ensemble de la zone vulnérable pendant la période critique et établir des bilans annuels ;
– Améliorer la mise en œuvre des dérogations préfectorales face à des situations exceptionnelles et, pour cela, appliquer un ensemble de bonnes pratiques : motiver les dérogations « sécheresse » ou « excès d’eau » sur la base du suivi d’indicateurs agrométéorologiques et de seuils critiques associés ; privilégier des dérogations réduisant la durée minimale de présence de Cipan avant de mettre en œuvre des dérogations d’exemption ; évaluer l’impact des dérogations accordées et alimenter une base de données nationale unique des dérogations ;
– Développer au sein de la zone vulnérable une graduation en trois niveaux (zonage vert – orange – rouge) selon les teneurs en nitratés des masses d’eau et adapter selon ces zones les mesures du programme d’actions et l’effort de contrôle (renforcées en zone rouge, allégées en zone verte) ainsi que l’effort d’accompagnement (en zone rouge). »
BC
(1) Seuil au-delà duquel apparaît un risque d’eutrophisation des milieux aquatiques.
(2) Pour les enjeux de santé humaine, le seuil de pollution par les nitrates est fixé à 50 mg/l pour la potabilité des eaux. Un seuil de 40 mg/l sans tendance à la baisse est utilisé pour définir les eaux susceptibles d’être polluées.