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Moins de méthane contre rétribution

Les filières bovines se mettent en ordre de marche pour profiter des crédits carbone. Démonstration avec le projet Beef Carbon et la démarche « Eco-Méthane ».

Un décret du 28 novembre 2018 créant un label « Bas-Carbone » et un arrêté d’application organisent la rémunération des projets labellisés de réduction des gaz à effet de serre. Y compris en agriculture. Une aubaine pour l’élevage ruminant, mis en cause pour ses émissions de méthane entérique depuis un rapport de la FAO (1) publié en 2006. Depuis, divers programmes de recherche ont permis d’identifier les bonnes pratiques permettant d’améliorer le bilan carbone des filières.

Ainsi, en bovins viande, le projet européen Life Beef Carbon associant la France, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne, qui court sur les années 2016 à 2020, a déjà permis de quantifier les émissions de gaz à effet de serre de 2 000 « fermes de démonstration » (dont 1 700 en France) et de mettre en place des techniques d’atténuation dans 170 « fermes innovantes ». Premier résultat, l’empreinte carbone nette (émissions moins séquestration dans les prairies et les sols) atteint en moyenne 11,3 kg équivalent CO2 par kilo de viande vive. Avec « une énorme variabilité au sein d’un même système », souligne Josselin Andurand, responsable du projet Beef Carbon à l’Institut de l’élevage. Par exemple, en système naisseur, les émissions s’échelonnent de 9 à 27 kg équivalent CO2.

5 000 € et plus à gagner

Sur les « fermes innovantes », le potentiel de réduction des émissions des gaz à effet de serre – à production de viande constante – a été évalué à 14% en système naisseur, et à 7% en système naisseur-engraisseur. Comme il s’agit de fermes plus performantes que la moyenne, l’objectif d’une réduction globale de 15% en dix ans inscrit dans le projet Beef Carbon apparaît crédible. Reste à sensibiliser toujours plus d’éleveurs et de techniciens pour diffuser les bonnes pratiques repérées en termes de nutrition des animaux, de productivité individuelle ou collective (réduction du nombre d’animaux improductifs), voire de santé : « une vache qui boite aura du mal à se déplacer et à se nourrir au pâturage. »

Dans une ferme laitière produisant 500 000 litres, le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre est évalué à 14%, soit 350 à 400 t de CO2 en moins sur cinq ans. Sur le marché actuel de la tonne de CO2 (environ 10 €/t), cela vaut 3 500 à 4 000 €, explique Jean-Baptiste Dollé (Institut de l’élevage). Mais que le prix du carbone monte à 15 ou 25 €/t, ce sont 5 000 à 10 000 € qui pourraient revenir à l’éleveur. Dans cette perspective, une méthode officielle de mesure des émissions, Carbon Agri, proche de celle utilisée dans les projets Beef Carbon et Carbon Dairy (Cap’2ER), a été validée, le 1er octobre 2019, par le ministère de l’écologie. En avril, la FNB, la FNPL, la FNO et la Fnec avaient créé une association, France Carbone Agri, pour vérifier la « rétribution des éleveurs ». « Après une première phase, celle de la prise de conscience, nous devons enclencher la vitesse supérieure avec un maximum de partenaires », résumait Bruno Dufayet, président de la FNB, le 20 juin à Paris en conclusion d’une conférence Life Beef Carbon.

Bleu Blanc Cœur déjà dans la course

L’association Bleu Blanc Cœur met en œuvre, depuis quelques années, sa propre démarche de certification des réductions de gaz à effet de serre en élevage bovin laitier : « Eco-Méthane ». Celle-ci s’appuie sur une méthode scientifique, validée en 2011 par le ministère de l’écologie puis en 2012 par les Nations Unies, qui établit une corrélation entre la quantité d’acides gras oméga 3 présents dans la ration distribuée aux vaches et la teneur en acides gras du lait. En pratique, les éleveurs, aussi bien intensifs que bio, sont invités à donner plus de place à l’herbe (pâturage) quand c’est possible, à privilégier la luzerne plutôt que le maïs, ou à distribuer des graines de lin. En 2017, les 745 éleveurs engagés dans la démarche ont fait remonter 14 285 analyses de lait montrant un taux de réduction moyen de 10,9% des émissions de gaz à effet de serre correspondant à 23 tonnes équivalent CO2 par exploitation, indique Bleu Blanc Cœur.

Les éleveurs impliqués dans « Eco-Méthane » peuvent prétendre à une rémunération par l’intermédiaire d’une association, créée en 2016 par Bleu Blanc Cœur, habilitée à recevoir les dons (en partie défiscalisés) d’entreprises, de collectivités locales ou de particuliers séduits par la démarche. L’opérateur téléphonique Orange (son service de restauration), les chèques déjeuners Up, le Crédit Mutuel Arkéa, le Pays de Fougères ou la ville de Liffré en Ille-et-Vilaine, des magasins U et même un concessionnaire automobile apportent leur contribution, dont 90% sont restitués aux éleveurs. Cela permet de valoriser la tonne de carbone aux environs de 15 €/t – loin encore des 100 €/t qui sont en ligne de mire. « Si nous pouvions réunir 500 000 euros en 2019, ce serait top », estime Nathalie Kerhoas, la directrice de Bleu Blanc Cœur. C’était l’une des ambitions de la « journée d’immersion Eco-Méthane » organisée le 27 juin à Rennes.

Benoît Contour

(1) Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

A consulter : le label bas-carbone (ministère de l’écologie, 23 avril 2019)

A consulter : La filière laitière mobilisée face au changement climatique (Cniel, novembre 2019)

A télécharger : Les 60 fermes innovantes Life Carbon Dairy – Synthèse des résultats (mars 2019)

A télécharger : le premier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat (juin 2019)

 

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