Les deux documents d’orientation adoptés en 2020 par la Commission conduiraient à des baisses de production quasi généralisées en agriculture. Mais les émissions polluantes diminueraient davantage encore.
Le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne – dont les analyses ne reflètent pas nécessairement les positions de cette dernière – a publié, à la fin juillet 2021, un rapport (en anglais) évaluant les conséquences pour l’agriculture des deux « stratégies » adoptées le 20 mai 2020 par la Commission (l’une sur la biodiversité, l’autre sur la chaîne alimentaire titrée « De la ferme à la table »), en amont de la réforme de la Pac en cours.
Selon ce rapport, la SAU totale dans l’UE augmenterait de 3%, sans quasiment d’impact sur les prairies permanentes, de façon à faire face à un moindre recours aux intrants et à des mises en jachère. Les secteurs des céréales et des oléagineux seraient impactés négativement : tant la superficie céréalière (-4%) que les rendements céréaliers (-11%) diminueraient dans l’UE, entraînant une baisse de 15% de l’offre. Il en résulterait une détérioration de la balance commerciale de l’UE, laquelle resterait néanmoins un « exportateur net ».
10% de lait en moins
Dans le secteur de l’élevage, l’objectif de réduction du bilan azoté brut domine les impacts simulés sur les troupeaux d’animaux. En conséquence, l’offre de viande diminuerait d’environ 14% et l’offre de lait cru de 10%. En réaction, les importations de viande bovine progresseraient au-delà des contingents tarifaires. « Le seul secteur où l’on constate une amélioration de la position commerciale nette est celui des produits laitiers où l’on observe une légère hausse (+5%), tirée par l’augmentation des exportations de lactosérum en poudre ». La baisse de la demande fourragère induirait une réduction « considérable » des importations de tourteaux de soja.
Les moindres niveaux de production auraient un impact haussier sur les prix des produits agricoles dans l’UE. En céréales, le CCR envisage une augmentation des prix à la production de 8,2 % associée à une diminution des coûts de 1,6%, insuffisantes cependant pour contrebalancer la baisse des recettes (-8,6%) induite par la baisse des surfaces et des rendements. Au final, le revenu des céréaliers chuterait de 26%. Scénario très différent pour la viande bovine puisque le rapport envisage une augmentation des prix de marché de 24% générant une augmentation de 126% du revenu des éleveurs. En lait, les prix à la production progresseraient d’à peine 2%, sans compenser la perte de recettes et de revenu liée à la baisse attendue des volumes.
Enfin, les deux « stratégies » de la Commission auraient des impacts très significatifs sur les émissions de polluants à l’horizon 2030 : -33,5% pour l’azote, -40,4% pour les oxydes d’azote liés à la fertilisation, -33% pour l’ammoniac, -14,6% pour le méthane entérique des ruminants, -12,2% pour le méthane relargué par les fumiers…
« Une stratégie de décroissance » (CR)
« Le rapport que nous demandions et attendions avec impatience sort en plein été dans le silence le plus total », note la Coordination Rurale (CR) dans un communiqué du 26 août. « Bien que les auteurs soulignent la difficulté d’analyser les stratégies, ils s’entendent pour écrire que tous les secteurs afficheront des baisses de production entraînant une aggravation du déficit commercial de l’Union européenne. Les coûts de production affichent quant à eux une augmentation de l’ordre de 10%, ce qui impactera très fortement le revenu des agriculteurs ! »
« Comment les gouvernements européens, dont le nôtre, peuvent-ils s’accorder sur une Pac qui va accroître notre dépendance alimentaire, appauvrir les agriculteurs, poursuivre l’agrandissement des exploitations, renchérir le coût de l’alimentation, augmenter le nombre d’êtres humains mal nourris ? Tout cela sans avoir le moindre impact mondial sur les émissions de gaz à effet de serre (…) Sans le dire, les gouvernements européens ont opté pour une stratégie de décroissance au lieu d’engager une politique intelligente et courageuse de croissance durable pour un progrès partagé », ajoute la CR.
BC
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