Depuis 1998, le Gaec Saint-Goal à Pluvigner (Morbihan), transforme sa production laitière en fromages et produits laitiers régulièrement primés. Afin de disposer de lait toute l’année, les associés Emmanuel et Catherine Dousselin sont passés à la lactation longue.
« Toute la conduite du troupeau est tournée vers la transformation »
Caressées par le soleil du matin, 240 chèvres filent, impatientes, vers les pâtures. « Nous ne sommes pas à 100 % d’herbe, mais, si la météo le permet, nos chèvres sortent de mars à octobre », explique Emmanuel Dousselin, tout en marchant d’un bon pas vers la clôture. « J’ai essayé de les laisser dehors la nuit. Je préfère les garder en bâtiment après la traite du soir pour pouvoir dormir sur mes deux oreilles ». Après plusieurs années d’activité salariée dans un centre de gestion à La Rochelle, l’éleveur, issu d’une formation agricole, et son épouse Catherine, se sont installés en Bretagne en 1998. « Nous avons eu un véritable coup de cœur pour cet endroit ». Située à une vingtaine de kilomètres du golfe du Morbihan, la ferme « cochait toutes les cases » : 10 ha de SAU(1), des bois, une maison d’habitation et une ancienne porcherie de 80 m2 pour abriter une fromagerie. « Notre idée, c’était d’aller jusqu’au bout du produit, d’être autonomes et indépendants des aides Pac, des coopératives et des industriels ». Le fromager sur la ferme, c’est lui. Emmanuel s’occupe aussi du troupeau. Son épouse gère le volet santé et commercial. « Cathy a un vrai sens de l’élevage et la patience du soigneur que je n’ai pas ».
Le projet démarre avec un effectif de 60 chèvres Saanen, augmenté à 160 entre 2003 et 2004 après la construction d’un nouveau bâtiment d’élevage, puis 240 après l’extension en 2017. « Toute la conduite du troupeau est tournée vers la transformation ». Le choix de la race d’abord. « La Saneen, ce n’est pas si courant en transformation mais son gabarit nous plaisait, son côté placide aussi ». Cette race, souligne l’éleveur, a une persistance de lactation. « Si la Saanen monte moins haut en pic, elle affiche un palier régulier d’avril à juillet. Cela nous permet de disposer d’une bonne production en été ». Il y a quatre ans, le Gaec est passé en lactation longue. « Nous avons du lait toute l’année. Il y a moins de mises bas au printemps et surtout, moins de chevreaux à vendre vu les soucis de la filière ». Les chèvres de réforme sont également maintenues en lactation longue. « Toutes les chevrettes sont mises à la reproduction. Notre objectif est d’avoir 100 à 150 bêtes en lactation longue pour assurer une production de lait en hiver ». Pour la reproduction, le Gaec a abandonné les IA(2) il y a cinq ans pour revenir aux saillies naturelles. « Nous avions un taux de réussite très faible ». L’élevage compte huit boucs à haute valeur génétique. « Nous avons vu la différence au niveau des mamelles qui affichent une très bonne conformation et de bonnes attaches ».
LA VALORISATION DU LITRE DE LAIT
LA FROMAGERIE GÉNÈRE UN CHIFFRE D’AFFAIRES DE 350 000 €.
Disposer d’un volume de lait toute l’année a permis à la fromagerie de se développer tout en alignant sa dynamique sur la saisonnalité. « Au printemps et à l’automne, nous faisons partir davantage de lait à la collecte. L’été et l’hiver, nous faisons plus de transformation », détaille Emmanuel Dousselin. Cet équilibre résulte aussi d’un changement de positionnement au niveau des débouchés. Au début de leur activité, ils écoulaient la production fromagère sur les marchés locaux. « Nous avions beaucoup de lait au printemps. Nous faisions essentiellement des crottins mais tout ne se vendait pas. » En 2004, Emmanuel et Catherine stoppent les marchés pour se tourner vers les revendeurs : GMS(3), épiceries fines, fromagers. « Cette idée date de notre installation mais nous avions eu peur de les démarcher. » Depuis lors et après agrandissement du cheptel, la référence laitière atteint 100 000 litres et « la valorisation du litre de lait est devenue un critère essentiel » de gestion de l’entreprise. « Même si notre prix de vente aux revendeurs est inférieur à celui pratiqué sur les marchés, tout ce que nous transformons se vend », précise l’éleveur. « En réalité, ce n’est pas le prix le problème. C’est l’offre. Si trois producteurs proposent leurs fromages au chef de rayon, ce sera difficile ». En janvier 2023, le Gaec a passé un nouveau cap. Une nouvelle fromagerie a été construite à l’entrée du site, ainsi qu’une petite boutique. « Ce ne sont pas des gros volumes mais le contact avec les gens nous manquait », confie Emmanuel. « Cela nous permet de parler de notre métier, d’expliquer notre travail. La communication, c’est important. Beaucoup de gens pensent qu’un élevage de chèvres est forcément petit ! Or, nous sommes une véritable entreprise avec du personnel ! ».
NATHALIE BARBE
- SAU : surface agricole utile
- IA : insémination artificielle
- GMS : grandes et moyennes surfaces
EN CHIFFRES…
LE GAEC SAINT-GOAL (MORBIHAN)
L’ÉQUIPE DU GAEC SAINT-GOAL SE COMPOSE DE CATHY ET DE SON MARI EMMANUEL, ASSISTÉS DE MATHILDE, MARTINE ET ALEXANDRA.
- deux associés (Emmanuel et Catherine Dousselin), quatre salariés et une apprentie
- 240 chèvres Saanen (objectif 2023 : 280)
- 145 000 litres transformés en 2022 et 40 000 litres collectés par Agrial
- une SAU(1) de 45 ha (30 ha SFP(2) ; 1,5 ha betteraves ; maïs grain ; méteil moissonné ; 10 ha pâturage + 4 en rotation)
- la ration : herbe (mars à octobre) ; 500 g maïs humide, 400 g de méteil grain, 800 g de complément VL (bouchons fibreux) à 16 % de MAT ; correcteur azoté 350 g à 38 % MAT, donné en salle de traite.
COÛT ALIMENTAIRE ET PRODUCTION
LES ÉLEVEURS S’APPUIENT SUR DES CULTURE ADAPTÉES À LA SÉCHERESSE : NOTAMMENT UNE ASSOCIATION DE DACTYLE ET DE LUZERNE.
« Avec une production moyenne annuelle de 850 litres/chèvre, nous ne sommes pas dans un système intensif. C’est lié au pâturage. Notre volonté est de trouver le bon équilibre entre le coût alimentaire et la production ». Si au départ la stratégie alimentaire reposait sur la recherche d’autonomie fourragère et l’achat de concentré, aujourd’hui le Gaec veille à réduire la part de concentré. En bâtiment, matin et soir, « nos chèvres consomment de l’enrubanné en première phase de lactation et du foin en deuxième phase ». L’enrubannage en fauche précoce a été réintroduit il y a trois ans. « Nous nous appuyons aussi sur le dactyle associé à de la luzerne. Cette plante, moins sensible à la sécheresse, démarre tôt et s’arrête tard ». Seul bémol : « le dactyle est montant et la pousse hivernale génère une grosse masse de printemps peu appétante ». Pour réduire son coût alimentaire et intensifier les surfaces, le Gaec a implanté cette année 1,5 ha de betteraves. « La betterave est aussi un hépato-drainant intéressant à distribuer en plein hiver avant la mise bas ». Récoltées en deux fois, « les betteraves se conservent mieux en terre qu’en stockage ». Adhérent à une Cuma, les exploitants du Gaec Saint-Goal délèguent la gestion des cultures. « Pour disposer de bonnes conditions de travail », les Morbihannais ont co-investi dans le paillage mécanisé et dans un valet de ferme.
LA FROMAGERIE SAINT-GOAL RÉCOMPENSÉE
Avec 145 000 litres transformés en 2022 (220 chèvres), la fromagerie génère un chiffre d’affaires de 350 000 €. Dans la gamme des fromages de chèvre proposés sous la marque Saint-Goal, on retrouve des bûches (frais, cendré, demi-sec), des palets, des fromages vendus à la coupe, aux algues ou nature. Mais aussi une tomme de chèvre nature, médaillée de bronze au Concours national du chèvre fermier Fromagora 2019. « Les consommateurs manifestent une préférence pour le fromage frais. C’est d’ailleurs avec la bûche cendrée, un fromage de 8 à 10 jours, que nous avons remporté une médaille d’or à Paris au Concours général en 2022 », raconte Emmanuel Dousseline. « Ce fromage, nous n’arrivions pas à le faire quand nous avons démarré ! Le fait d’être petit ne nous aidait pas à investir dans du matériel », précise-t-il. « Nous avons relevé le défi et c’est tout le travail d’une équipe qui a été récompensé ! ». Récemment, la fromagerie a lancé sa marque Les Dousselines, des produits laitiers (yaourt, riz au lait, flan) exclusivement vendus chez les fromagers et en épiceries fines. « Nous avons fait le choix du haut de gamme présenté dans des pots en verre. Net emballage, cela rapporte cinq fois plus que le fromage. Même avec de petits volumes, c’est très intéressant en termes de valorisation du lait ».