Investir pour améliorer les conditions de travail des humains et le bien-être des animaux, tel est le leitmotiv de Sébastien et Thibaut Teyssèdre, deux frères dont la gémellité a donné son nom au Gaec. « Nous voulons travailler pour vivre, et bien vivre, et non pas l’inverse » soulignent-ils en chœur.
Au Gaec des Jumeaux (Lot-et-Garonne), il n’est pas rare d’être accueilli par la Mascotte, une chèvre pour le moins effrontée. Celle-ci trouve toujours le moyen de s’échapper de son parc pour rejoindre le roto traite tout récemment installé sur l’exploitation, ou de se faufiler dans les différentes loges pour y grappiller le reste d’aliment qu’ont pu y laisser ses congénères. « Quand elle ne vient pas nous chercher à la maison si nous sommes en retard pour l’heure de la traite ou qu’elle ne va pas directement se servir dans le stock de concentrés si elle n’en a plus à sa disposition », s’amuse Sébastien Teyssèdre, tout en la caressant. Cette attention portée à une seule chèvre résume bien le principe animant les deux frères Teyssèdre. Installés depuis dix ans, hors cadre familial, ils mettent tout en œuvre pour que les hommes et les animaux se sentent bien. « Si nous envisageons des investissements, c’est pour améliorer notre quotidien afin de travailler vite et efficacement et pour offrir du bien-être à nos animaux. Au final, des investissements de ce type ne coûtent pas cher : les chèvres en profitent et bien logées, bien nourries, elles produisent du lait. Nous essayons toujours d’aller dans ce sens. C’est ce qui nous motive ». Sébastien et Thibaut se sont partagé les tâches. Au premier, la traite, la culture et l’administration, au second, le soin aux animaux. « Mon frère, qui a été salarié pendant cinq ans dans un élevage caprin avant notre installation, est avant tout éleveur et il aime ça », souligne Sébastien. « Il passe beaucoup de temps auprès des chèvres. Il est attentif au comportement de chacune d’entre elle pour voir si tout va bien. Il les cajole, les caresse ». Cette organisation du travail leur permet de prendre une semaine de vacances par an. « Nous pouvons aussi compter l’un sur l’autre pour se libérer en cas de besoin. Nous ne travaillons pas le week-end à part le soin aux animaux. Nous préservons ainsi une vie de famille et nous pouvons nous ménager des loisirs comme la chasse. Nous travaillons pour vivre, et bien vivre, et non pas l’inverse ».
Un revenu mensuel de 2 000 € chacun
La totalité de la production de lait soit 500 000 litres pour une moyenne par chèvre et par lactation de 850 litres est collectée par la coopérative Terra Lacta. « Lorsque nous avons commencé, la première année, nous avons produit 320 000 litres avec 320 chèvres, soit 1 000 litres par tête. Mais ce n’est pas parce qu’on atteint le seuil de 4 litres par jour et par chèvre que l’on est riche ! Certes, la production par animal est un facteur important mais il faut aussi tenir compte de la rentabilité de l’exploitation. À l’époque, nous distribuions 1,7 kg de concentré par chèvre. Aujourd’hui, nous sommes à 1,2 kg et nous gagnons des sous ». Le prix du lait actuellement tourne autour de 700 €/1 000 litres. « Il a même un peu augmenté en 2019. Par rapport à d’autres productions comme les bovins viande ou lait, nous ne pouvons pas trop nous plaindre. L’élevage caprin tire vraiment son épingle du jeu ». Le plus important, poursuit Sébastien Teyssèdre est de maîtriser ses coûts de production et notamment ceux liés à l’alimentation. Du coup, les achats extérieurs sont minimisés. « Nous produisons du maïs ensilage, de la luzerne, du soja et nous n’achetons ni foin, ni paille. Depuis 2011, nous avons constitué un troupeau bovin qui compte aujourd’hui une centaine de bêtes dont 45 vaches allaitantes, ce qui nous permet de valoriser les refus des chèvres. La production de viande bovine est vendue en direct ». Résultat : les deux frères indiquent se dégager un revenu mensuel de 2000 € chacun. « Nous sommes sereins. Ça marche ».
« Avec le roto traite, c’est presque les vacances ! »
Une sérénité financière qui a sans doute permis au Gaec des Jumeaux d’investir dans un roto traite de 60 places, en service depuis deux mois, avec toujours le même objectif : « travailler vite et efficacement ». Un investissement d’un montant total de 260 000 € dont 60 000 € pour un nouveau bâtiment abritant la laiterie. « Avant, je consacrais environ 7h30 par jour à la traite. La salle de traite comptait deux fois vingt places, avec deux quais de traite, sans décrochage automatique. Ce dispositif convenait très bien lorsque nous n’avions que 300 chèvres. La durée de traite était acceptable. Mais, avec 600 chèvres, ce n’était plus possible. Cela prenait beaucoup trop de temps. C’était pesant. Et j’avoue que parfois, il m’arrivait de ne pas avoir envie d’y aller. Grâce à cet investissement, c’est le jour et la nuit. Plus que 1h30, matin et soir pour la traite: c’est presque les vacances ! En plus d’une qualité de travail, nous avons trouvé une qualité de vie. Dorénavant, je suis en famille dès 19h30 au lieu de 21h. Et si nous voulons faire appel à un service de remplacement, ce sera beaucoup plus aisé. Il était vraiment difficile de trouver une personne qui accepte de travailler 8 heures par jour, même à 20 €/h, plus d’une semaine », indique Sébastien Teyssèdre. Financièrement, il juge l’investissement engagé dans ce roto traite tout à fait raisonnable. « Surtout, si je le compare à l’achat de notre dernier tracteur (190 000 €). Je dirai presque que ce n’est pas cher car j’utilise le roto traite tous les jours, matin et soir ». Et si l’homme y trouve son compte, les chèvres, elles aussi, ne doivent pas être totalement insensibles à ce nouvel investissement : « Elles ont, en effet, gagné en confort. Auparavant, réparties en lot et serrées les unes contre les autres, les chèvres devaient attendre une heure trente avant de pouvoir être traites. Désormais, elles n’ont plus qu’à patienter 20 minutes ». Et si les frères Teyssèdre envisagent d’augmenter la taille de leur cheptel, ils souhaitent ne pas dépasser les 800 têtes pour conserver un temps de traite n’excédant pas 1h30.
D’autres aménagements sont prévus. Le bâtiment d’élevage dans lequel sont parquées les chèvres laitières va être agrandi pour fournir plus de place aux animaux. Parallèlement, deux autres bâtiments équipés de toiture photovoltaïque vont être construits, l’un pour le stockage du matériel et l’autre destiné aux chevrettes. « Nous leur proposerons un parcours extérieur pour encore améliorer leur bien-être. Nous mettrons aussi en place un aménagement identique pour les laitières. Car les animaux ne vous rendent que ce que vous leur donnez », souligne encore Sébastien Teyssèdre.
Marion Brunoy
EN CHIFFRES…
LE GAEC DES JUMEAUX (LOT-ET-GARONNE)
- 2 associés : Sébastien et Thibaut Teyssèdre
- une surface agricole utile de 200 ha dont 26 ha de maïs ensilage, 40 ha d’orge, 20 ha de blé, 20 ha de luzerne, 10 ha de soja et 27 ha de ray-grass. Le reste étant constitué de prairies permanentes ;
- 600 Alpines à la traite produisant 500 000 litres de lait ;
- l’activité caprine assure 80 % du chiffre d’affaires de l’exploitation, le reste est complété par une production de Blondes d’Aquitaine.
UN ROTO SAC CHRISTENSEN DE 60 PLACES
L’investissement récent dans un roto de traite de 60 places Sac Christensen a permis aux exploitants de diminuer le temps de traite de leurs 600 laitières de 7h30 à 3h/jour. Tout le monde y gagne, les exploitants comme les animaux.
Les frères Teyssèdre ont opté pour un roto doté de 60 places. La société FTPE a posé cet équipement conçu par Sac Christensen. Le bloc traite est entièrement séparé et isolé du bâtiment d’élevage et se retrouve donc à l’abri de la poussière. Le roto est équipé de capteurs à lait mais ne comporte pas de portail d’identification qui aurait permis de gérer la production par chèvre. « Ce qui nous aurait donné la possibilité de faire des lots et de gérer l’alimentation de chaque chèvre sachant que lorsque la chèvre entre dans la loge, elle passe devant une cellule qui déclenche l’arrivée de l’aliment. Pour l’instant, chaque chèvre est donc soumise au même régime. Mais d’ici deux ans, nous mettrons en place ce portail d’identification ». L’équipement est doté du faisceau de traite Handyflow 2 qui allie facilité au branchement et à la surveillance et apporte surtout une grande qualité de traite.
Le tank de lait est équipé d’un récupérateur de chaleur permettant de réchauffer de l’eau et de la porter à 40°C. Cette eau sert ensuite au lavage des éléments du roto, le chauffe-eau n’ayant plus qu’à porter la température de cette eau à 60°C. « Ce qui nous permet d’économiser de l’énergie. À chaque traite, nous récupérons ainsi 300 litres d’eau à 40°C ». Les frères Teyssèdre ont choisi de s’équiper d’une pompe à vide fonctionnant sans huile, dite pompe à lobes. De l’air non pollué sort de cette pompe à une température de 180°C. Celui-ci est utilisé pour réchauffer la salle de traite en hiver et est évacué à l’extérieur, en été. Cette pompe à vide avec convertisseur de fréquence fonctionne avec un bruit de moteur réduit au minimum.