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La mention de l’origine est facultative

Saisi par Lactalis, le Conseil d’État annule l’obligation d’étiquetage de l’origine du lait en invoquant l’absence de lien avéré avec ses propriétés. La FNPL dénonce « un retour en arrière inacceptable ».

« Après avoir interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le Conseil d’État juge qu’il est illégal d’imposer l’étiquetage géographique du lait car il n’y a pas de lien avéré entre son origine (UE, non UE) et ses propriétés », annonce la haute juridiction dans un communiqué. Pour rappel, durant « une période expérimentale courant jusqu’au 31 décembre 2021, un décret du gouvernement a rendu obligatoire sous peine de sanction l’indication par étiquetage de l’origine géographique « UE » ou « non UE » du lait, y compris lorsqu’il est employé en tant qu’ingrédient dans des aliments préemballés. Le groupe Lactalis a demandé l’annulation de cette obligation en soutenant en particulier qu’elle était contraire au règlement du 25 octobre 2011 (1) du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. »

« Interrogée par le Conseil d’État, la CJUE a jugé le 1er octobre 2020 (2) que, en application de ce règlement, les États membres peuvent imposer un tel étiquetage au nom de la protection des consommateurs à deux conditions. Il faut, d’une part, que « la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information », et d’autre part qu’il existe un « lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance ». Ces deux conditions, qui sont distinctes, doivent être remplies l’une et l’autre ».

« Approche subjective »

« Le Conseil d’État a constaté que l’administration avait justifié l’obligation d’étiquetage contestée uniquement par l’importance que la majorité des consommateurs attachent, d’après des sondages, à l’existence d’une information sur l’origine ou la provenance du lait. Il a également relevé, lors de l’audience d’instruction, que l’administration avait indiqué qu’en dehors de cette approche subjective, il n’y avait pas objectivement de propriété du lait qui puisse être reliée à son origine géographique. »

« Tirant les conséquences de l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’État juge ainsi que l’obligation sous peine de sanctions de l’étiquetage de l’origine du lait est illégale. Il en prononce en conséquence l’annulation. »

« Un retour en arrière inacceptable » (FNPL, FNSEA, JA)

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Jeunes Agriculteurs et la FNSEA « regrettent profondément » la décision du Conseil d’Etat et « dénoncent l’attitude irresponsable d’un acteur économique qui va à l’encontre de la reconnaissance du travail des éleveurs laitiers français. En donnant raison à Lactalis, le Conseil d’Etat empêche les consommateurs de connaître la provenance de leur alimentation, et de choisir librement les produits qu’ils consomment », écrivent les syndicats dans un communiqué du 12 mars.

« Cette décision est à contre-courant de l’Histoire puisqu’un certain nombre d’autres Etats membres ont entre-temps rejoint la France dans sa démarche. Qu’un tel texte fondateur ait pu être remis en cause alors même qu’il est créateur de valeur pour la Ferme France et permet d’informer le consommateur sur l’origine et la traçabilité de ce qu’il consomme est un très mauvais signal. Cette décision mine en effet les efforts de longue date, engagés par les agriculteurs français pour répondre aux attentes des citoyens, qui doivent permettre à la profession agricole de se rémunérer dignement. »

« Face à cette décision, nous demandons à l’Etat une réaction forte :

– Tout mettre en œuvre pour remettre en place cette nécessaire obligation d’étiquetage,

– Maintenir les dispositions du décret concernant les viandes en tant qu’ingrédients,

– Afficher un cap à la hauteur de l’enjeu pour les travaux du Conseil national de la consommation sur l’étiquetage de l’origine des denrées transformées avec un dispositif simple et apportant toute la transparence nécessaire. En effet, l’autre enjeu en ligne de mire est bien sûr la stratégie Farm to fork, dont la FNSEA et JA attendent une reprise au niveau européen de nos demandes ! Plus que jamais la transparence est une nécessité du producteur au consommateur ! »

« L’Europe doit rester un marché unique » (Lactalis)

« Le Groupe Lactalis prend acte de la décision du Conseil d’Etat de prononcer l’annulation du décret relatif à l’indication de l’origine du lait » et indique, dans un communiqué du 12 mars, que « sur l’ensemble des emballages de ses marques, l’origine des produits et cette indication perdurera. »

« La démarche visant à obtenir l’annulation du décret était motivée par l’attachement à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la libre circulation des marchandises via une multiplication de décrets Origine en Europe. Le marché européen doit rester un marché unique afin de préserver les exportations de produits laitiers français, la France exportant 50% de sa production laitière. Préserver les exportations, c’est aussi pérenniser l’ensemble de la filière laitière française. »

BC

(1) Règlement (UE) n° 1169/2011

(2) Arrêt C-485/18

A télécharger : La décision du Conseil d’Etat (10 mars 2021)

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