Les exploitants de l’EARL des Clema ont longtemps été pénalisés en raison de la teneur en cellules de leur lait. Dès le premier mois de lactation de leurs chèvres, la qualité laitière se dégradait. Après concertation avec les spécialistes d’Alicoop et réalisation d’un audit, un plan d’action a été mis en place. Celui-ci a porté ses fruits. Les éleveurs charentais ont concentré leurs efforts sur la préparation à la mise bas, la ration des chèvres et la maîtrise des mammites subcliniques. Retour sur une expérience concluante.
Pierre Brunet est un éleveur soulagé ; les comptages cellulaires s’améliorent enfin depuis 2019. Pour redresser la pente, il a défini avec ses conseillers en nutrition un plan d’action qui porte ses fruits. « Dès septembre 2019, les pénalités ont baissé . Nous sommes passés en dessous du seuil des 2 millions de cellules /ml de lait depuis un an. C’est notre première année avec des taux si bas ! ». Il est vrai que si l’on regarde en arrière, la situation était quelque peu inquiétante. Ainsi, sur l’année 2018, les cellules ont fait perdre 7 819,35 € aux éleveurs. Les pénalités relatives à la mauvaise qualité du lait étaient comprises entre – 21,34 et – 45,74 €/1 000 litres. La moyenne cellulaire sur 2018 culminait à 2,6 millions de cellules/ml lait avec un pic à plus de 3,5 millions sur l’été. Des analyses de lait datées de décembre 2018 ont mis en avant la présence de Staphylococcus aureus et d’Escherichia coli, à l’origine de mammites dites de réservoir mammaire et de souches environnementales.
L’achat et l’installation de platines pour la désinfection des manchons trayeurs, pour un coût d’environ 6 000 €, n’ont pas suffi pour enrayer les comptages cellulaires. L’audit réalisé par Séverine Brunet, spécialiste ruminants chez Alicoop, a débouché sur la mise en place d’un plan d’action comportant à la fois un volet nutritionnel et un volet non-nutritionnel.
L’éleveur charentais qui a retrouvé le sourire souligne : « Lorsque l’on est confronté à un problème de cellules, on peut y arriver ! Il faut d’abord s’appuyer sur des analyses pour savoir quels germes sont présents dans le troupeau et identifier les chèvres atteintes. Il faut bien entendu se donner les moyens financiers et techniques et toujours se remettre en question. Dans notre cas, nous avions mis en place des lots pour la traite, investi dans les platines de désinfection. Mais ce n’était pas suffisant. » Suite à l’audit d’Alicoop, ces éleveurs ont également investi dans la vaccination, changé la ration et travaillé au renforcement de l’immunité de leurs chèvres.
Sur le plan nutritionnel, la principale préconisation appliquée suite à l’audit a été de moduler les apports en azote à la fois en quantité et en qualité. « Les chèvres souffraient d’un excès d’azote soluble “libre” comme en témoignaient les taux d’urée dans le lait supérieurs à 500 mg/l dès les mises bas. L’outil Visiolait montrait un statut ammoniacal préoccupant avec une toxicité potentielle de l’urée dans le sang », précise la spécialiste Alicoop. Cette non-maîtrise des apports en azote constitue le premier facteur aggravant des mammites subcliniques. Les conseillers en nutrition ont alors préconisé d’apporter 100 gr de tourteau de soja tanné naturellement (Soyatan) en remplacement des 200 gr de tourteau de soja non protégé. Par ailleurs, l’Optilun granumiettes, riche en graines de lin, contenant 25 points de MAT(1) a remplacé un correcteur azoté à 30 points de MAT. Le reste de la ration est constitué de foin de luzerne, d’enrubannage de trèfle ou de ray-grass, de paille, de maïs grain (250 à 450 gr) et de bouchons de luzerne déshydratés. Les chèvres en début de lactation reçoivent en priorité la première coupe de luzerne.
Immunité des taries
Au niveau nutritionnel, un travail a été entrepris au niveau de la préparation à la mise bas. En premier lieu, les éleveurs distribuent un minéral spécifique aux chèvres taries à Baca(2) négatif. Sa distribution débute deux mois avant la mise bas et se poursuit 15 jours après. Par ailleurs, les chèvres reçoivent du monopropylène glycol sous forme de granulés lors des derniers mois de tarissement. Parallèlement, les laitières bénéficient de deux cures d’hépatoprotecteurs, positionnées respectivement trois semaines avant mise bas et trois semaines après. Enfin pour renforcer l’immunité, la ration des chèvres et des chevrettes est enrichie d’Altiboost. Ce produit est apporté lors du tarissement et jusqu’à 15 jours après la naissance des chevreaux.
Le plan d’action défini par Séverine Brunet comportait également un volet sanitaire. Pour développer l’immunité face au Staphylococcus Aureus, l’élevage a investi dans le vaccin Vimco. « Nous avions préconisé de vacciner en priorité les chevrettes, futures primipares du troupeau. Les éleveurs ont opté pour la vaccination de toutes les chèvres en préparation à la mise bas », commente Aurélie Jobet, conseillère caprine Océalia. À l’EARL des Clema, Pierre Brunet et son associée poursuivent le plan. « Nous allons assainir notre troupeau progressivement avec des primipares saines et les garder saines le plus longtemps possible ! », conclut-il.
ELD d’après Séverine Brunet