La SARL Novalait (Haute-Marne) s’est récemment équipée d’un méthaniseur 100 % lisier fourni par la société allemande PlanEt. Un prolongement de la production laitière qui « sécurise l’exploitation », témoigne Philippe Deru, un éleveur passionné de génétique Prim’Holstein.
La ferme Novalait, installée à Graffigny-Chemin, élève 400 vaches Prim’Holstein (340 à la traite en moyenne) et 60 veaux sur… 3 ha de pâtures qui accueillent les vaches taries cinq semaines par an. La gestion des cultures (ensilages de maïs et d’herbe, maïs grain, colza…), du plan d’épandage et de l’élevage des génisses est confiée à une autre société, la SEA d’Izé. Le bâtiment à pans de toit multiples est de type industriel. Pour sa conception, Philippe Deru s’est souvenu de sa vie d’avant : mineur en Moselle. Des bandes transporteuses placées au-dessus des cornadis distribuent automatiquement l’alimentation des vaches, qui produisent 31 à 32 kg de lait par jour en moyenne. Le lait est vendu au prix spot, chaque semaine, via des traders. Autre grande originalité, l’essentiel du travail est confié à cinq salariés. « Comme le résume mon associé, Jean-Loup Michel, nous avons essayé de socialiser la production laitière, alors qu’elle est souvent faite par des OSS : des ouvriers sans solde, souvent des parents retraités. »
Novalait compte un second troupeau d’une cinquantaine de Jersiaises dont le lait, plus riche que celui des Prim’Holstein, est destiné à la fromagerie attenante, Laistelle, spécialisée dans la production de yaourts, bûchettes et autres spécialités lactées. Contrairement à ce qui se pratique dans d’autres élevages, Philippe Deru n’envisage pas de croisements Jersiaises x Prim’Holsteins pour augmenter les taux butyreux et protéiques. Il s’en explique : « Ma passion, ce sont les vaches laitières. J’essaie d’améliorer mes animaux. On ne met pas un capot de Mercedes sur une BMW. »
Le secret : une ration constante
Au point de départ du projet de méthanisation, un constat : « Une vache produit deux fois plus de m… que de lait. On va la valoriser pour boucler la boucle. Et puis, ce serait bien si les gens pouvaient se dire, demain, que la ferme du coin produit du lait et de l’électricité pour eux ». Le projet s’est concrétisé assez rapidement dans la mesure où il ne modifiait en rien le plan d’épandage ni le classement sur les installations classées pour l’environnement (ICPE), témoigne Philippe Deru. « La plus longue à convaincre a été la banque. » L’installation a certes coûté près de 500 000 euros, terrassement et travaux connexes inclus. Le digesteur, d’une capacité de 600 m3, a été monté en dix jours. Trois semaines de mise en chauffe (40°C) ont ensuite été nécessaires avant un démarrage en novembre 2018.
En pratique, le lisier récupéré dans la stabulation est envoyé vers une citerne de 50 m3 qui va jouer le rôle de stock tampon. Six fois par jour, 2,5 m3 sont réinjectés vers le digesteur de façon automatique, pour un temps de séjour global de l’ordre de 30 jours. Aucun chargement de fumier ou de produits végétaux ne vient s’ajouter. C’est autant de corps étrangers en moins, souligne Philippe Deru. Mais le principal avantage est ailleurs : la grande régularité des apports de lisiers, tant en quantité qu’en qualité, favorise un fonctionnement optimal du digesteur. « Plus la ration est constante, mieux ça marche. En plus, la ration est totalement prédigérée par les vaches. Nous produisons tout le biogaz attendu. » A tel point qu’il est envisagé de remplacer le moteur de 50 kW (un 4 cylindres Man) installé à l’origine par un 80 kW. L’électricité est vendue 0,225 €/kWh à EDF.
Philippe Deru vante la « faible consommation électrique » de l’installation (l’agitateur ne tourne pas plus de 3 heures par jour, la pompe pas plus de 15 minutes). Il apprécie également le hublot qui permet de voir à l’intérieur du digesteur ou le flotteur extérieur qui permet de visualiser d’un coup d’œil la pression de gaz dans le digesteur. Une information évidemment reprise dans l’interface informatique accessible d’un clic sur un écran tactile. La surveillance de l’installation prend « 4 à 5 minutes par jour ». S’y ajoute une vidange du moteur toutes les deux semaines. Au final, l’éleveur salue une installation « tranquille et sereine ». Il assure ne « pas être dérangé par les alarmes. Dans 80 % des cas, ce sont des pannes d’accès au réseau. Et le moteur redémarre automatiquement s’il est encore chaud ». La chaleur dégagée par le moteur est utilisée pour la production d’eau chaude sanitaire de la salle de traite – « y compris le Karcher ! » – et par la fromagerie. Autre coproduit de la méthanisation, le digestat se montre bien plus efficace que le lisier pour fertiliser les cultures, en particulier en début de campagne, témoigne Philippe Deru.
Benoît Contour