Le marché foncier agricole est demeuré très actif en 2019, avec un prix des terres et prés libres stabilisé à 6 000 €/ha. Les échanges de parts sociales de sociétés continuent d’inquiéter les Safer, qui appellent à leur régulation.
Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer, et Loïc Jégouzo, ingénieur d’études, ont fait le point, le 28 mai en visio-conférence, sur les évolutions du marché foncier agricole en 2019. Premier constat, le nombre de transactions (94 450, +4%), les surfaces échangées (424 100 ha, +4,9%) et leur valeur (5,4 milliards d’euros, +10%) se situent à des niveaux « records ». Le prix moyen des terres et prés libres non bâtis est, lui, stable à 6 000 €/ha : 7 290 €/ha dans les zones de grandes cultures (-3,3%), 4 670 €/ha dans les zones d’élevage bovin (+2,1%) – ces prix tombent à 4 760 €/ha (+0,6%), 6 000 €/ha (-1,3%) et 3 620 €/ha (-1,1%) respectivement pour les terres et prés loués non bâtis. Selon les Safer, ces prix sont la résultante de résultats agricoles à la baisse, de départs à la retraite qui animent le marché et de taux d’intérêt réels négatifs pour la deuxième année consécutive. Le rendement locatif brut a atteint 2,71% en 2019, un niveau « qui reste supérieur aux taux des placements garantis ».
Les agriculteurs ont acquis 47% des surfaces en 2019 (c’était 60% en 1993). Viennent ensuite les non-agriculteurs (34%, contre 28% en 1993), les sociétés de portage du foncier (9%, contre 3%) et les sociétés d’exploitation agricole (7%, contre 3%). Les agriculteurs fermiers en place cèdent du terrain : leurs acquisitions ne représentent plus que 53% des surfaces du marché, contre 68% en 1993, tandis que les agriculteurs non fermiers en place passent de 11% à 15%.
Les « failles de la régulation »
Le président des Safer alerte à nouveau sur le « marché parallèle » des parts sociales de sociétés, qui continue à prospérer en « totale opacité », comme celui du travail à façon. En 2019, le nombre de transactions de parts sociales notifiées aux Safer a atteint 7 380 (+2%) pour un montant global de 1,2 milliard d’euros et 616 000 ha concernés (3% des transactions ont porté sur la totalité des parts, 20% sur la moitié des parts et plus). Emmanuel Hyest admet que « les cessions partielles sont utiles à la vie des exploitations » (transmission progressive du capital à un repreneur familial, portage du foncier), mais il souligne aussi qu’elles permettent la constitution de structures sociétaires agricoles habiles à « recourir aux failles de la régulation ». S’il estime que les Safer n’auraient rien à redire sur 80% des transactions de parts sociales, en revanche les 20% restantes représentent davantage que les surfaces maîtrisées par les Safer. Avec ce foncier, explique-t-il, les Safer pourraient accompagner environ 3 000 installations par an, soit deux fois plus qu’actuellement.
« L’élevage est en danger »
Emmanuel Hyest a aussi « lancé un cri d’alerte : l’élevage est en danger ». Entre 1988 et 2016, le nombre total d’exploitations a diminué de 57% en France, mais de 76% en bovin lait, de 68% en bovin mixte, de 43% en bovin viande et de 29% en grandes cultures. Les productions végétales concernaient 50% des exploitations en 2016, seulement 40% en 2000. Le recul des productions animales, « surtout marqué en zone de plaine », signifie « pertes d’emplois, appauvrissement de la valeur ajoutée, affaiblissement de l’équilibre agronomique, fermeture des paysages, perte de biodiversité, disparition de services environnementaux, risques pour la ressource en eau dans les aires d’alimentation de captage », résume Loïc Jégouzo. Selon lui, l’élevage souffre d’une « conjonction négative » : d’une part « l’insuffisante régulation du marché des parts sociales », d’autre part les nombreux départs à la retraite qui, certes, libèrent du foncier, mais trop souvent « pour alimenter la concentration et entraver le renouvellement déjà fébrile des éleveurs. »
BC
A télécharger : Le prix des terres en 2019 (FNSafer, 28 mai 2020)
A lire également :
Les valeurs vénales des terres en 2019 (ministère de l’agriculture, 30 juillet 2020)
« L’élevage est en danger » (28 mai 2020)