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« Fermes-usines » : les syndicats se désolent

La pétition contre les « fermes-usines » lancée par Greenpeace vise « une fois de plus à créer une fracture entre le monde agricole et la société », déplorent la FNSEA et les JA. La Confédération paysanne dénonce une « caricature ». La Coordination rurale y voit le symptôme d’une « agriculture à deux vitesses ».

« Comment qualifier la dénonciation publique d’agriculteurs qui exercent leur métier dans les règles de l’art – Greenpeace se vante même d’avoir reçu du ministère de la transition écologique et solidaire une liste des exploitations ayant déclaré et obtenu leur autorisation administrative d’exploiter – au seul motif que la taille de l’exploitation ne correspond pas à la vision qu’a Greenpeace du « modèle agricole » ? Dénoncer et jeter à la vindicte populaire des noms d’agriculteurs, des noms de ferme, des adresses, des lieux de vie, est violent. Extrêmement violent ! Une violence insupportable. Derrière les slogans ou les cartes publiées, nous osons rappeler que ce ne sont pas des conglomérats ou des holdings impersonnels, mais des femmes, des hommes et leurs enfants qui sont pointés du doigt et stigmatisés », écrivent la FNSEA et les JA dans un communiqué du 26 novembre.

« La FNSEA et JA entendent apporter leur soutien entier et sincère à toutes les agricultrices, tous les agriculteurs, leurs familles et leurs proches face à ces mises en cause calomnieuses et visant une fois de plus à créer une fracture entre le monde agricole et la société. Les agriculteurs ne supportent plus ces pratiques. Ils ne supportent plus le climat nauséabond d’intrusions sur les exploitations d’élevage, d’actions violentes contre les abattoirs ou contre les boucheries. L’esprit de responsabilité de chacun, surtout des associations qui se prétendent pacifistes, aurait pourtant dû empêcher ce mode d’action que nous pensions relever d’une période révolue de notre histoire. Nous appelons d’urgence le Gouvernement à condamner avec fermeté cette forme de délation et à apporter une réponse juridique face à ces méthodes. Ces méthodes ne sont pas les nôtres. Et nous en sommes fiers », concluent les deux syndicats.

Une « caricature » (Conf’)

La Confédération paysanne (CP) « dénonce et lutte contre l’industrialisation de l’agriculture au prix parfois de lourdes condamnations par la justice. Elle ne peut cependant que déplorer la teneur du dossier publié par Greenpeace sur les fermes-usines », écrit le syndicat dans un communiqué du 27 novembre. Selon lui, la carte publiée par l’ONG « donne une réalité partielle et déconnectée de la réalité des fermes-usines en France. Une ferme importante en nombre d’animaux est classée ICPE (1) mais n’est pas pour autant une ferme-usine (2). A l’inverse, ce critère ignore les fermes-usines en végétal, comme des serres géantes de tomates ».

« A vouloir faire le buzz, Greenpeace oublie les réalités des paysannes et paysans qui souffrent et qu’il faut accompagner dans leur transition par des politiques publiques fortes. Car, quoi qu’il en soit, la dérive industrielle de l’agriculture, incarnée par les fermes-usines, condamne, à terme, l’agriculture et l’alimentation », conclut la CP.

« Ne pas opposer les systèmes de production » (CR)

La Coordination rurale (CR) observe, dans un communiqué du 28 novembre, que « ces agrandissements ne relèvent pas de choix, mais de la nécessité de réduire les charges, faute de prix rémunérateurs. Partant de ce constat, qui ne relève pas de la délation puisqu’il s’agit de données publiques, la CR, qui refuse d’opposer les différents systèmes de production existant en France, préfère rechercher les causes de ce phénomène et surtout les responsables :

  • l’État et l’UE qui imposent toujours plus de normes et d’investissements non-productifs qui engendrent une course aux économies d’échelle et donc à la concentration (…) ;
  • les lobbies environnementaux et les associations de consommateurs qui réclament une production alimentaire toujours plus verte, contrôlée et aseptisée. Au final, cela pénalise les exploitations individuelles ou familiales qui ne peuvent s’y conformer et encourage le développement d’une agriculture à deux vitesses (…) ;
  • le syndicalisme dit majoritaire qui, depuis l’après-guerre, n’a pas su changer de mode de pensée : augmenter ou maintenir le revenu des producteurs par la réduction des charges, l’amélioration de la productivité et la compétitivité, conduisant à la spécialisation, la concentration et la réduction du nombre d’agriculteurs. »

« Une menace pour l’environnement et la santé » (Greenpeace)

« Les fermes-usines sont une menace pour l’environnement et notre santé. Elles polluent les eaux et l’air, nuisent à la biodiversité et contribuent au réchauffement de la planète, en plus de mettre en danger les élevages à taille humaine. En France, il y en a déjà beaucoup trop et il faut que ça cesse. Demandez au ministre de l’Agriculture de couper court aux subventions qui financent l’élevage industriel. L’argent public doit servir la métamorphose de notre modèle agricole », écrit Greenpeace dans la pétition qu’elle a mise en ligne le 26 novembre.

Greenpeace définit comme « ferme-usine » un élevage détenant plus de 750 truies, 2 000 porcs charcutiers, 40 000 volailles, 400 vaches laitières ou 800 veaux de boucherie ou bovins à l’engraissement. Selon l’ONG, « 1 % des fermes françaises produisent plus de la moitié des porcs, poulets et œufs produits en France. 1 % seulement ! Cette ultra concentration de l’élevage a une conséquence visible dans nos champs : la multiplication des fermes-usines, ces énormes bâtiments où s’entassent tant bien que mal des milliers d’animaux (…) Le constat est accablant : selon la base de données du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), 4 413 fermes usines sont réparties dans 2 340 communes françaises, comprenant les outre-mer. On retrouve des fermes-usines dans 90 % des départements français avec des régions plus ou moins impactées, la Bretagne étant la plus concernée. »

La PAC « pour changer de modèle »

Selon Greenpeace France, 1 470 des 4 413 fermes usines identifiées ont touché 48 millions d’euros de la PAC pour les derniers paiements. « Sans compter toutes les aides dont bénéficient les cultures destinées à l’alimentation animale et qui subventionnent donc indirectement l’élevage industriel ». Greenpeace France demande au ministre de l’agriculture de « prendre ses responsabilités et de stopper tout nouveau projet de ferme-usine. Plus aucun argent public ne doit servir ces formes d’élevage et les moyens doivent être réattribués à la métamorphose du système agricole. » Alors que la négociation de la future PAC a déjà commencé, « seule une réelle transition des moyens financiers vers un modèle d’agriculture à taille humaine, respectueuse de l’environnement et des animaux, permettra de lutter contre le changement climatique et de sortir de la crise de l’élevage », estime l’ONG.

BC

(1) ICPE : Installations classées pour la protection de l’environnement

(2) Greenpeace a fait savoir, dans un communiqué du 4 décembre, que la carte publiée n’était « pas à jour, ce qui nous a amené à désactiver pour le moment la fonction de recherche par commune. Nous présentons toutes nos excuses aux agricultrices et agriculteurs dont la ferme s’est retrouvée sur cette carte alors qu’elle n’aurait pas dû y être, et qui se sont senti.e.s injustement pointé.e.s du doigt. »

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