La fièvre Q reste largement sous-diagnostiquée en France. Elle toucherait pourtant près de 50 % des élevages caprins. Un comité d’experts coprésidé par Raphaël Guatteo, docteur vétérinaire et professeur à Oniris, s’est mis en place pour pallier ce déficit.
La fièvre Q touche plus de la moitié des troupeaux caprins et ovins, alors que près de 30 % des troupeaux bovins seraient concernés. C’est une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmissible à l’Homme qui peut nécessiter un traitement, voire une hospitalisation ou causer des avortements chez la femme. Le mode privilégié de contamination des animaux et de l’Homme est l’inhalation de minuscules pseudo-spores de Coxiella burnetii. Extrêmement volatiles, celles-ci peuvent alors être transportées sur plusieurs kilomètres lors d’épandage de fumier ou de lisier. En élevage, cette maladie est régulièrement associée à des vagues d’avortements, des problèmes de reproduction, voire une mortalité néonatale. « Je participe à de nombreuses conférences sur ce sujet pour diffuser l’information auprès des éleveurs et des praticiens. Cette infection qui constitue une menace pour la santé animale, la performance des troupeaux et la santé humaine, reste encore trop fortement sous diagnostiquée », déplore le professeur Guatteo, qui copréside le comité d’experts formé pour travailler sur cette problématique. Ce groupe n’a pas vocation à conduire de nouvelles études. Dans un premier temps, il va chercher à améliorer la communication auprès des éleveurs, des vétérinaires et des médecins. Un sondage, effectué par l’organisme ViaVoice, est en cours de réalisation. Celui-ci vise à mieux appréhender le niveau de connaissances des professionnels de l’élevage et de la santé vétérinaire et humaine vis-à-vis de cette infection. Les résultats de cette enquête seront communiqués en début d’année 2021.
L’épandage, source de contaminations
« Nous préparons des fiches explicatives concernant cette pathologie pour faire progresser le diagnostic. Nous souhaitons notamment nous adresser aux éleveurs, mais aussi aux ASV (auxiliaires spécialisés vétérinaires), qui ont souvent les éleveurs au téléphone. Il faut, qu’en cas d’avortements, ils pensent à rechercher la présence de fièvre Q. Fin décembre, la première fiche, destinée à fournir des conseils aux éleveurs appelés à recevoir du public, sera rédigée. » Outre ce volet communication, le comité réfléchit à des solutions très pratiques : « que faire des avortons et du placenta, sources de potentielles contaminations ? En théorie, ils doivent être collectés par le service d’équarrissage mais en pratique ce n’est pas le cas. L’expérience nous a également montré que l’épandage des fumiers et des lisiers infectés par Coxiella burnetii constitue une autre source de contamination. Quelle(s) recommandation(s) donner aux éleveurs ? Le brassage des lisiers pouvant conduire à la formation d’une brume aérosol contaminante, faut-il effectuer un traitement thermique ? ». Voilà quelques-unes des questions auxquelles le comité va chercher à répondre. De nombreux cas d’infection sont reportés chaque année avec parfois des cas de transmission à l’Homme. L’épidémie la plus grave a sévi aux Pays-Bas en 2009. Elle a été à l’origine de plus de 3 000 hospitalisations. Cette bactérie pathogène s’est propagée à partir de foyers de contamination situés dans des élevages caprins. Depuis, la vaccination contre la Fièvre Q est devenue obligatoire pour les troupeaux caprins néerlandais.
La création de ce comité multidisciplinaire, présidé par le Pr Raphaël Guatteo et le Dr Christophe Brard, associe également le Dr Kristel Gache, docteur vétérinaire, épidémiologiste GDS France, Renée de Crémoux, chef de projet à l’institut de l’Élevage et le Dr Éric Collin, vétérinaire, président de la commission épidémiologie de la SNGTV. Ce comité est notamment financé par Ceva Santé Animale.
Erwan Le Duc