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Cap sur l’énergie fermière

Jérôme Clochard, éleveur caprin et Aurélien Bérardengo, éleveur bovin et ovin, se sont associés dans un projet de méthanisation agricole. Leur unité va transformer 11 000 tonnes de fumiers caprins et bovins, de déchets verts et de Cive(1). Le biogaz produit est injecté dans le réseau. L’unité est opérationnelle. 

À Sanxay (Vienne), Jérôme Clochard et son associé Aurélien Bérardengo vont donner une nouvelle vie aux fumiers produits sur leurs exploitations. Cette matière va leur permettre de capter de la valeur ajoutée via une unité de méthanisation. Il leur aura fallu cinq ans de réflexion et surtout de démarches administratives et 18 mois de travaux pour réussir ce pari. « Nous voulions renforcer la résilience de nos élevages respectifs », souligne Aurélien Bérardengo. « Pour un éleveur, obtenir une garantie des prix sur une durée de 15 ans et ce, avec l’opportunité d’éditer sa propre facture, c’est du jamais vu », ajoute-t-il. Pour son associé, Jéröme Clochard, le choix de la méthanisation résulte d’un constat un peu amer. « Je voulais rebâtir une nouvelle chèvrerie, partir de zéro mais le manque de main-d’œuvre est devenu un casse-tête ingérable… J’étais prêt à investir 1 million d’euros (M€) dans ce projet. Après avoir bien creusé la question, la méthanisation m’a paru une meilleure opportunité ». Au final, l’entrepreneur a investi 3 M€ et son associé à peu près la même somme. « Les tarifs de rachats garantis sécurisent les banques et la rentabilité reste bonne puisque notre investissement devrait être amorti sur 10 ans ». L’unité de méthanisation, d’une puissance de 125 Nm3, va injecter du biogaz dans le réseau géré par Sorégies, à destination des agglomérations de Poitiers et Vivonne. C’est la société allemande PlanET, qui a conçu l’installation. Avant de se lancer, les associés ont visité plus de 40 installations en France et en Europe. 

30 KM JUSQU’AU RÉSEAU

Il aura fallu creuser 30 km de canalisation pour rejoindre le réseau. Le kilomètre de gazoduc étant facturé 100 000 € ! Les collectivités locales et l’Ademe ont participé au financement. Le Crédit Agricole a également accompagné les éleveurs dans leur plan de financement. Au total, l’unité va transformer 11 000 tonnes de matière brute par an. Le fumier caprin représente 48 % de cette ressource, et 13 % pour le fumier bovin. Les Cive et les issues de céréales complètent les besoins. L’eau de ruissellement est captée sur le site pour alimenter les digesteurs. « C’est un métier assez similaire à celui d’éleveur. L’astreinte est importante. Cela nécessite une surveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il faut rapidement intervenir en cas d’alerte ». Malgré tout, le temps de travail n’est pas comparable, environ 1h30 par jour. Les éleveurs doivent alimenter une trémie avec 30 tonnes de matière (fumiers, cives et issues de céréales) à environ 35 % de matière sèche. Ce mélange est broyé et les éleveurs y ajoutent 8 m3 d’eau via un système de vannes. Ce prémix va ainsi s’humidifier (8 % de matière sèche) et séjourner pendant 80 à 90 jours dans l’un des deux digesteurs de 2 600 m3. L’entrée en action des bactéries va alors permettre la production de biogaz. « L’enjeu est notamment de maintenir une température constante entre 38 et 42°C. En dessous ou au-dessus de ce seuil, le rendement chute ». Ce biogaz doit ensuite être purifié avant d’être injecté dans le réseau. Dans un premier temps, le biogaz produit contient environ 55 % de méthane, de l’eau, du CO2 et du soufre. L’action de filtres à charbon actif et de compresseurs permet d’éliminer tout ce dont on veut se débarrasser. Pour être injecté dans le réseau, ce gaz vert doit en effet contenir 97 % de méthane. La conformité de la production est analysée avant injection dans le réseau. Le gaz sera également agrémenté d’un marqueur olfactif afin de détecter une éventuelle fuite du réseau. Chaque mois, les éleveurs rédigent leur facture payable à 30 jours.  « Nous avons édité une première facture de 130 000 € ! Après presque cinq années d’étude et de travaux, nous commençons enfin à avoir des entrées d’argent ». Les associés doivent également collecter les digestats solides et liquides. Leur plan d’épandage couvre 900 ha. Pour la partie liquide, ils ont investi, via une Cuma, dans un automoteur Vervaet. Tout est enfin opérationnel !

ERWAN LE DUC

  1. Cive : cultures intermédiaires à vocation énergétique

LES SOCIÉTÉS DE JÉRÔME CLOCHARD

  • un élevage de 900 chèvres produisant 1 million de litres
  • un élevage de 370 chèvres
  • une pépinière de 6 000 chevrettes.

 

LES SOCIÉTÉS D’AURÉLIEN BÉRARDENGO

  • un élevage bio d’engraissement de 70 taurillons et une SAU de 70 ha
  • un élevage de 350 ovins et une SAU de 250 ha

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