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Accord à 27 sur la réforme de la Pac

Le Conseil européen a arrêté, le 21 octobre, sa position sur la Pac 2023. Une « nouvelle étape décisive » saluée par la FNSEA mais vivement critiquée par la Coordination rurale, la Confédération paysanne et le Modef.

« Aujourd’hui, le Conseil a arrêté sa position de négociation sur le paquet de réformes de la Politique agricole commune (Pac) pour l’après-2020 », annonce un communiqué du Conseil. « Cette position commune met en avant certains engagements forts des États membres pour une ambition environnementale plus élevée avec des instruments tels que des éco-schémas obligatoires (une nouveauté par rapport à la politique actuelle) et une conditionnalité renforcée. Dans le même temps, la position convenue permet aux États membres de disposer de la flexibilité nécessaire pour atteindre les objectifs environnementaux. Par exemple, il y aurait une phase pilote de deux ans pour les éco-programmes et les États membres bénéficieraient d’une flexibilité sur la façon d’allouer des fonds selon différentes pratiques vertes. »

20% des aides directes aux éco-programmes

« Les agriculteurs allant au-delà des exigences de base en matière d’environnement et de climat bénéficieraient d’un soutien financier supplémentaire grâce à l’introduction d’éco-programmes. Ces nouveaux instruments de protection de l’environnement et du climat seraient liés à un budget dédié, faisant partie du budget des paiements directs. Il serait cantonné à 20%, ce qui signifie qu’ils seraient débloqués grâce à l’utilisation d’éco-programmes. Une première phase pilote de deux ans permettrait aux États membres d’éviter de perdre des fonds indispensables tout en se familiarisant avec les nouveaux instruments. Des exemples indicatifs d’éco-programmes incluent des pratiques telles que l’agriculture de précision, l’agroforesterie et l’agriculture biologique, mais les États membres seraient libres de concevoir leurs propres instruments en fonction de leurs besoins. »

15% d’aides couplées

Le compromis obtenu par la présidence allemande prévoit par ailleurs une « consolidation des aides couplées à hauteur de 15% de l’enveloppe des paiements directs ainsi que la possibilité de créer des programmes sectoriels permettant de structurer l’action des organisations de producteurs et coopératives pour la plupart des filières agricoles », souligne le ministère français de l’agriculture dans un communiqué. « Soutenant une initiative française, la très grande majorité des Etats-membres a souhaité que les soutiens couplés puissent venir favoriser le développement des plantes riches en protéines de manière à renforcer l’autonomie protéique de l’Union européenne. »

« Nous avons obtenu un accord qui correspond aux attentes fortes de la France : des mesures environnementales obligatoires pour tous les Etats-membres, permettant d’éviter toute distorsion de concurrence. C’est donc une Pac plus verte mais surtout plus juste. C’était une demande forte de la France », écrit Julien Denormandie.

Avec l’accord du 21 octobre, le Conseil a désormais le mandat politique pour lancer les négociations avec le Parlement européen, lequel « devrait finaliser cette semaine sa position sur les différents règlements de la future Pac », prévoit le ministère français de l’agriculture.

BC

LES REACTIONS

« C’est la vision que nous portons » (FNSEA)

« Les ministres de l’Agriculture, réunis à Luxembourg, ont trouvé un accord sur la réforme de la Pac. Le Parlement européen, réuni en session plénière à Bruxelles, a adopté, à une large majorité, les amendements de compromis déposés par les trois groupes politiques (PPE, Renew, S&D) sur les Plans Stratégiques Nationaux », souligne la FNSEA dans un communiqué du 21 octobre.

« Après la consolidation du budget en juillet dernier, la FNSEA salue cette nouvelle étape décisive qui a été franchie au niveau communautaire dans l’élaboration de la future Pac, et qui ouvre la voie des trilogues entre les trois institutions (Parlement européen, Conseil des ministres, Commission européenne). »

« Les 27 ministres de l’Agriculture et les parlementaires ont su conserver le caractère commun de la Pac, en particulier à travers un Eco-régime obligatoire, et l’application d’une conditionnalité des aides uniforme dans les Etats membres. C’est la culture du compromis, chère à nos organisations, qui a animé les ministres, comme la grande majorité des parlementaires, pour parvenir à ces accords en faveur d’une croissance durable. Saluons le rôle déterminant de la France qui a su rassembler et convaincre sur un horizon commun pour la Pac. »

« Le résultat est une prise en compte de la dimension économique et productive de l’activité agricole, aux côtés d’une réelle ambition pour l’environnement et la lutte contre le changement climatique. C’est la vision que nous portons : celle d’une agriculture engagée dans la double performance économique et environnementale, où les acteurs économiques dégagent des revenus suffisants pour vivre de leur métier et assurer le renouvellement des générations. »

« Il reste encore deux jours de discussions et de votes à mener au Parlement européen. L’enjeu, pour les négociations à venir, sera d’apporter les améliorations au cadre réglementaire, afin de préserver une véritable ambition pour l’agriculture européenne, par rapport au projet initial de la Commission européenne (2018). Une ambition qui s’éloigne des flexibilités maximales recherchées par certains Etats membres, au profit de leurs seuls intérêts. La Pac, première politique européenne, est ainsi confortée dans son rôle de ciment de l’Europe ! »

Où est passé le C de commune ? (CR)

« Le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne vient d’acter la renationalisation de la Pac », estime la Coordination rurale (CR) dans un communiqué. « Seule politique intégrée de l’Europe, l’agriculture avait besoin d’un socle commun fort, et non de 27 politiques agricoles distinctes, ni d’une rupture d’égalité de traitement entre les agriculteurs. »

« Si Julien Denormandie assure que les mesures environnementales seront obligatoires pour tous les États membres, la CR reste extrêmement vigilante puisque des dispositions permettront aux différents gouvernements de durcir les contraintes pesant sur les agriculteurs. »

« Si le pourcentage d’éco-régime est encore soumis à évolution, le principe des Plans stratégiques nationaux (PSN) a été accepté. Pour la CR, même si les ministres européens s’en défendent, il s’agit bien d’une renationalisation qui expose les agriculteurs français à des distorsions de concurrence intra-européennes. »

« La CR ne doute pas de la volonté française d’adopter des programmes volontaires et contraignants pour le climat et l’environnement. En revanche, nous ne sommes pas sûrs que les pays voisins feront preuve du même entrain. Face au désengagement de l’Europe, il est aujourd’hui de la responsabilité du ministre de l’Agriculture de s’engager pour qu’il n’y ait pas de distorsion entre nous et nos collègues européens ! », déclare Bernard Lannes, président de la CR.

« Une Pac ni plus verte, ni plus juste » (CP)

« Une Pac plus verte mais surtout plus juste », a déclaré le ministre de l’Agriculture français suite à l’accord la nuit dernière du Conseil européen. La Confédération paysanne (CP) ne partage malheureusement pas cet enthousiasme à la lecture des premiers éléments rendus publics sur cet accord. En effet, les reculs sont déjà nombreux. »

« Cet accord n’engage pas de redistribution des aides. Pire, plafonnement et paiement redistributif deviennent facultatifs pour les États membres, quand au moins l’un des deux est aujourd’hui obligatoire. L’accord introduit de la flexibilité dans les méthodes de calcul de la dégressivité et la majoration des paiements découplés pour les jeunes agriculteurs ne sera plus plafonnée – elle l’est actuellement à 34 hectares en France. Cet accord va donc renforcer les rentes de situation et l’agrandissement. »

« Ce sont les investissements, notamment technologiques, et non les changements de pratiques, qui sont mis en avant aussi bien dans les aides à l’installation que dans les mesures environnementales (ecoscheme). Deux exemples : les États membres pourront soutenir l’installation des jeunes agriculteur.trices via le renforcement de leurs aides à l’investissement ; la politique environnementale telle qu’elle est promue favorisera l’agriculture dite de précision. Les États membres seraient en effet libres de concevoir leurs propres instruments en fonction de leurs besoins et les 30% du second pilier, qui compte aujourd’hui uniquement les aides MAEC, bio et ICHN, incluront les aides à l’investissement. Ainsi, investir dans un drone qui optimise les pulvérisations de pesticides pourra entrer dans la même catégorie que l’aide à l’agriculture biologique ! »

« Enfin, cet accord s’éloigne du caractère commun de la Pac en faveur d’une logique bien plus individuelle : tu investis et tu te protèges en t’assurant davantage, le volet gestion des risques étant visiblement renforcé. Pas de régulation des marchés, mais une « flexibilité nécessaire pour garantir la compétitivité des agriculteurs », soit la course aux DPB qui pousse à l’agrandissement et à la spécialisation, et donc à moins de résilience face au changement climatique et aux aléas du marché. »

« C’est ce compromis qui va servir de mandat pour les négociations en trilogue entre le Parlement européen, qui finalise cette semaine sa position, et la Commission européenne. Le débat n’est pas terminé mais il part sur de très mauvaises bases. La CP va donc poursuivre sa mobilisation auprès du gouvernement français et des décideurs européens pour arracher une Pac ambitieuse, plus sociale et au service de la transition agroécologique. »

« Une Pac au service des managers de l’agriculture » (Modef)

« Les 27 ministres de l’agriculture de l’UE et le Parlement européen sont parvenus à un accord vendredi 23 octobre 2020 à Bruxelles. Ce duo européen n’a tiré aucun enseignement de la crise économique, sociale, environnementale et sanitaire avec la Covid-19 qui frappe de plein fouet notre agriculture », écrit le Syndicat des exploitants familiaux (Modef) dans un communiqué du 23 octobre.

« Le plafonnement des aides directes est défini obligatoirement à 100 000 € par exploitation mais les chefs d’Etats du gouvernement de l’UE se sont pourtant prononcés dans le Cadre financier pluriannuel pour un plafonnement sur une base volontaire. Le Modef réclame ce plafonnement obligatoire à 50 000 € par actif. Les aides directes versées à la surface favorisent les agrandissements et la spéculation foncière. »

« L’éco-régimes est la fusion du verdissement de la dernière Pac. Les Etats membres ont décidé de consacrer obligatoirement 20% aux éco-régimes dans le premier pilier. Cette enveloppe n’est pas à la hauteur des enjeux agricoles, environnementaux et climatiques. Le Modef souhaite que ce budget soit maintenu à 30% ! »

Le Modef « est scandalisé que 30% de l’enveloppe servira à des mesures pour les investissements et les outils de gestion des risques. Cette décision est dans la continuité du gouvernement européen de libéraliser les marchés, de relancer l’agroéquipement et investir dans l’agro-business ! »

« Concernant les aides couplées, elles seront limitées à 10% du premier pilier et 2% en plus pour la production de protéines au lieu de 15%. Le Modef demande de prioriser ces aides pour les éleveurs afin de pérenniser l’élevage sur notre territoire, seul garant de l’avenir des zones défavorisées et de montagnes. »

« Un recul historique est constaté pour les aides redistributives et notamment le paiement redistributif avec un budget minimum alloué à 6%. Le paiement redistributif est vital pour les exploitants familiaux qui, contrairement aux grandes exploitations agricoles, ont épuisé leurs réserves et se sont endettés pour faire face à la chute des prix. Le Modef demande que ce budget soit porté à 20% pour la surprime des 52 premiers hectares. »

« Le duo européen dans ses propositions sur la réforme de la Pac ne répond pas aux objectifs de garantir un revenu décent aux paysans et d’assurer la souveraineté alimentaire. »

BC

A télécharger : L’avenir de l’élevage européen (étude pour la Commission européenne, juin 2020)

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