La Ferme de la Tremblaye (Yvelines) élève des vaches, des chèvres, élabore des fromages depuis 1967 et coche à peu près toutes les cases de l’agroécologie et de l’économie circulaire.
Lorsque vous pénétrez sur la ferme de la Tremblaye (Yvelines), en lisière de la forêt de Rambouillet, la première impression est la bonne – on a bien affaire à un village dans le village de La Boissière-École : une stabulation pour 150 vaches, une autre pour 350 chèvres, une fromagerie pour transformer les 8 000 à 10 000 litres de lait produits chaque jour, un magasin pour la vente directe, une mini-ferme pédagogique, de vastes hangars pour stocker les fourrages et les grains récoltés sur les 145 ha de la ferme ainsi que les matériels, une chaufferie à bois de 550 kW pour alimenter la fromagerie et les bâtiments de réunion ou d’habitation (une partie des 49 salariés, dont 12 fromagers, loge sur place). Les 350 chèvres de la Ferme de la Tremblaye se partagent entre des Alpines chamoisées, des Murciano-Granadina (depuis 2016) et des croisées.
« La Murciano-Granadina est un peu la Jersiaise des races caprines. Elle produit moins de lait que l’Alpine mais reste productive. Surtout, elle est plus rustique et contribue à améliorer les indicateurs de santé », témoigne Baptiste Carrouché.
La production laitière s’établit entre 750 et 800 kg de lait par chèvre et par an. La ration hivernale associe foin de luzerne, foin de graminées, maïs épi ensilé, ensilage d’herbe ou de luzerne, triticale, féverole, sel et minéraux.
Légèrement à l’écart, l’installation de méthanisation (phase liquide, infiniment mélangé) comprend un digesteur et un post-digesteur de 1 500 m3 chacun, ainsi qu’une cuve de stockage de 6 000 m3. Aucune odeur ne s’échappe et quasiment aucun bruit ne filtre du container abritant le moteur de 500 kW. Quotidiennement, le méthaniseur est chargé de 30 tonnes de matières : 60 % de fumiers et de lisiers, 10 % de lactosérum ex-fromagerie, 20 % de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), 10 % d’issues de céréales fournies par une coopérative. Une ration qui permet d’émarger au « tarif de rachat optimisé », complète Baptiste Carrouché, le gérant de la Ferme de la Tremblaye.
Le générateur d’électricité tourne 85 à 90 % de l’année mais les débuts, en 2012, ont été laborieux. « Nous avons un peu essuyé les plâtres. L’équipementier avait l’expérience des rations allemandes à base d’ensilage de maïs, guère celle du fumier. Il y a eu de la casse : vis sans fin, brasseur… Depuis, nous avons fait évoluer l’installation avec de nouveaux systèmes d’incorporation, d’agitation ou de chauffage. » Le moteur initial de 250 kW a été remplacé, en novembre 2020, par un moteur de 500 kW, sans modifier la capacité de l’unité de biogaz. « De quoi approvisionner 2 000 foyers en électricité », précise encore Baptiste Carrouché.
Un méthaniseur
De nombreux paramètres conditionnent le succès d’une installation de biogaz, explique-t-il : « une alimentation régulière du digesteur en qualité et en quantité, une bonne homogénéité des matières en cours de méthanisation grâce à un bon malaxage, une bonne température (40-42°C). Il ne faut pas sous-estimer non plus le temps de travail, ni la maintenance. Dire qu’une heure par jour suffit est faux, sauf à ne pas considérer la réception des matières, le transport et l’épandage du digestat, les démarches administratives, les alarmes – de l’ordre de trois par semaine –, les pannes… Sur la ferme, c’est l’équivalent d’un temps plein. Pour la construction, il faut s’entourer des artisans locaux pour le dépannage et les pièces détachées en cas de coup dur. » Quatre projets de méthanisation agricole sont en cours dans un rayon de 30 km autour de la Ferme de la Tremblaye, pionnière dans la région. Peut-être le début d’un écosystème dont chaque installation pourrait à terme bénéficier.
Pour l’approvisionnement fourrager des animaux et celui du méthaniseur, la Ferme de la Tremblaye s’appuie sur ses ressources propres, mais pas seulement, de sorte à « être en cohérence sur son territoire et en conformité avec ses valeurs », insiste le gérant. « Notre assolement – fourrages, céréales, CIVE d’été et d’hiver – et notre plan de fertilisation sont définis en commun avec trois fermes bio partenaires, même si chacun conserve son indépendance. La conversion en agriculture biologique, réalisée entre 2018 et 2020, n’a constitué qu’une étape de plus après vingt ans de démarches environnementales : sans labour, semis direct, couverture permanente des sols, agroforesterie (haies, pommiers rustiques), alimentation sans OGM, autonomie énergétique, fertilisation des sols avec le digestat et une partie du fumier, de sorte à maintenir le niveau de matière organique dans le sol… » La ferme pratique l’épandage sans tonne sur les cultures en place et partage, avec la ferme de Grignon(1), un pendillard de 24 mètres pour le digestat.
Benoît Contour
EN CHIFFRES…LA FERME DE LA TREMBLAYE (YVELINES)
- un gérant et 49 salariés ;
- 150 vaches et 350 chèvres laitières ;
- 145 ha de terres et 260 ha de forêts ;
- une salle de traite 2 x 8 Fullwood Packo pour les vaches.
LA MOITIÉ DE LA PRODUCTION EXPORTÉE
« La ferme de la Tremblaye possède une culture fromagère très forte. La moitié de la production est exportée, notamment aux États-Unis, par bateau. Nos fromages sont réputés à New York », souligne Baptiste Carrouché. Son bleu de la Boissière fermier, un chèvre à pâte persillée, a décroché une médaille d’or au Concours général agricole de 2020. La gamme de fromages compte une douzaine d’autres spécialités au lait de vache (bleu de Jersiaise, camembert fermier, brie, tomme…) ou de chèvre (persillé de chèvre, jouvenceau…). S’y ajoutent des yaourts au lait de vache jersiaise ou au lait de chèvre. Le vaste magasin de vente, ouvert trois jours par semaine, propose également d’autres produits alimentaires ou boissons bio issus de la ferme (viande de veau, terrine de chevreau, rillettes de bœuf, miel…) ou d’un peu plus loin (vin d’Alsace…). La Ferme de la Tremblaye est certifiée ISO 14001 (respect de l’environnement), ISO 22001 (sécurité alimentaire), B Corp (responsabilités sociétales) et BEFC (gestion durable de la forêt).